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rapporter, les troupes de Seda-Sheo subirent un troisième échec un mois plus tard, puis un quatrième vers les derniers jours de l’année. Cette fois peu s’en fallut que la victoire n’abandonnât les musulmans : une charge brillante des sept mille cavaliers que commandait Balmont-Rao les avait repoussés, ils pliaient déjà malgré la supériorité du nombre, lorsque des renforts leur furent expédiés. Un retour offensif leur donna décidément l’avantage, et Balmont-Rao tomba, frappé mortellement d’un coup de mousquet. Seda-Sheo ressentit une grande douleur de la mort de Balmont-Rao, qui était son beau-frère, et le seul d’entre tous les chefs de la confédération dont il écoutât encore les avis.

Le temps s’écoulait, n’apportant aux Mahrattes que des malheurs dans le présent et des inquiétudes pour l’avenir. Des serviteurs du camp, sortis la nuit pour couper du bois au nombre de vingt mille, vinrent donner dans une troupe de cavaliers afghans qui les égorgèrent et firent de leurs cadavres une véritable montagne. Ce massacre jeta l’épouvante parmi les Mahrattes. Seda-Sheo tenta de renouer des négociations avec Ahmed-Shah ; mais la situation respective des deux partis engagés dans cette lutte était changée. Quelques khans des Mogols, jaloux de la prépondérance qu’Ahmed-Shah le Dourranie pouvait acquérir par une victoire complète, penchaient pour la paix, qui les eût débarrassés d’un allié trop puissant et rassurés sur la conduite future des peshwas mahrattes[1]. D’autres, moins fidèles à la cause de l’empereur de Dehli, dont l’autorité ne comptait plus pour rien, laissaient entrevoir à Ahmed-Shah la facilité avec laquelle il pourrait s’asseoir sur un trône dont il serait bientôt seul à disposer. Pendant ce temps-là, les troupes mahrattes, réduites à la famine, pillaient la ville de Paniput et demandaient à grands cris de marcher au combat, ne pouvant supporter plus longtemps un blocus qui prolongeait leurs souffrances et multipliait les désastres. Devant cette exaspération des soldats, Seda-Sheo n’avait qu’un seul parti à prendre : promettre le combat et s’y préparer. Une clameur s’éleva aussitôt dans le camp des Mahrattes; tous jurèrent de combattre jusqu’à la mort.

Le camp des musulmans présentait un spectacle beaucoup plus calme. On n’y avait encore rien décidé touchant la paix, mais la question se traitait tranquillement. Ahmed-Shah, devenu l’arbitre des destinées de l’Inde, affectait d’écouter avec indifférence les paroles des khans mogols, disant qu’il n’était venu devant Dehli que pour répondre à leur appel. Les négociations duraient donc encore, et des courriers galopant sur des chevaux et des chameaux allaient et

  1. Parmi ceux qui voulaient traiter se trouvait Shoudja-oul-Dowlah, vizir de l’empereur de Dehli, le même qui une première fois avait appelé les Mahrattes au secours de l’Hindostan menacé par les Dourranies.