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croyant qu’il avait peur, eurent la folle pensée d’envoyer contre les Mahrattes un corps de huit mille combattans. Holkar et Sindyah furent immédiatement lancés contre les musulmans; ils les culbutèrent en un instant, foulant tout sur leur passage, faisant de larges trouées dans leurs rangs. Les Mahrattes ce jour-là poussèrent leurs chevaux aux portes mêmes de Dehli.

Cette victoire, facilement obtenue par les Mahrattes, qui avaient fait essuyer à l’ennemi des pertes cruelles, fut la dernière de la campagne. Autour de Dehli se réunissaient les principaux officiers de l’empereur avec des troupes venues d’Oude[1] et des autres provinces; la saison des pluies approchait. Badji-Rao, laissant à son frère Tchimna-Dji le soin de surveiller les mouvemens du vice-roi du Dekkan, Nizam-oul-Moulouk, revint à Satara et rendit compte au râdja Sahou de son expédition : elle avait été fructueuse pour la confédération des Mahrattes, et les principaux chefs en avaient retiré des avantages considérables. Molhar-Rao-Holkar s’était emparé de plusieurs villes du Candeish. Parmi les plus importantes, on comptait celle de Mhysir, située dans une riante vallée, sur les bords de la Nerboudda. Les descendans de Holkar en firent pendant quelque temps leur capitale. Ayant obtenu par lettres patentes de son souverain la possession de la cité d’Indore, dans le Malwa, pour subvenir à l’entretien de ses troupes, Molhar-Rao y fixa sa résidence, et c’est là que demeurent encore aujourd’hui les princes de sa famille. Rano-Dji-Sindyah avait reçu, lui aussi, des fiefs d’une grande valeur dans la province de Malwa et dans l’Hindostan.

Ces deux chefs puissans et hardis étaient placés comme les sentinelles avancées de la confédération des Mahrattes au milieu de l’Inde centrale, et ne se reposaient d’une expédition que pour en préparer de nouvelles. A vrai dire, la guerre ne cessait jamais complètement. Il y avait alors trois puissances qui s’observaient et cherchaient à se nuire même pendant les courts instans de trêve. Jaloux des grands-vizirs et désireux de dominer à la cour de Dehli, le vice-roi du Dekkan, Nizam-oul-Moulouk, laissait agir les Mahrattes, tout en les surveillant et en menaçant leur pays. Il espérait que l’empereur, effrayé, l’appellerait à son aide et se jetterait dans ses bras. L’empereur Mohammed-Shah se réjouissait en secret de voir les Mahrattes serrer de près la frontière du Nizam et se brouiller avec celui-ci; mais il redoutait par-dessus tout l’humeur belliqueuse et l’ambition démesurée de ces cavaliers terribles qui foulaient à leur gré le sol de l’empire. Enfin les Mahrattes eux-mêmes, malgré leur grande puissance, évitaient de contraindre le shah Mohammed à se

  1. Les troupes de la vice-royauté d’Oude étaient commandées par Sâdat-Khan, aïeul des rois actuels de ce pays, et c’est lui qui avait contraint Holkar à se retirer du Doab.