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nus à bout. Comme le jour allait bientôt décroître et que l’on voulait rejoindre la chasse du baron, on se trouvait embarrassé de richesses. Les oursons mêmes, qui ne voulaient pas marcher, devenaient fort incommodes.

— Allez-vous-en, dit le danneman ; avec mes enfans, j’aurai bientôt abattu deux ou trois jeunes arbres et fabriqué une claie sur laquelle nous chargerons le tout, et que nous ferons glisser jusque chez moi. De là je vous enverrai la prise par mon traîneau et mon cheval, et tout cela vous arrivera dans deux heures à votre bostœlle pour que vous puissiez montrer votre chasse à tous vos amis.

— Et nous vous renverrons demain les animaux morts, dit Larrson, car c’est à vous seul que nous voulons confier le soin de les écorcher et de les préparer. N’est-ce pas votre avis, Christian ?

— Je n’ai pas d’autre avis que le vôtre, répondit Christian.

— Pardon ! reprit le major, nous avons acheté un ours au danneman ; c’est celui que vous avez tué : il vous appartient, comme celui qu’il a tiré est à lui, s’il ne veut nous le vendre.

— Il les a tués tous deux, dit Christian ; je n’ai fait que les achever ; je n’ai droit à rien.

Il y eut un assaut de délicatesse où le danneman se montra aussi scrupuleusement loyal que les autres. Enfin Christian dut céder et accepter l’ourse femelle pour sa part. Les deux oursons furent payés comme un ours au danneman, qui dut accepter en toute propriété l’ami de madame l’ourse. Toutes choses ainsi réglées, le major et ses amis voulurent emmener Christian ; mais celui-ci refusa de les suivre.

— Je n’ai que faire, leur dit-il, à la chasse du baron, laquelle, m’avez-vous dit, n’a rien d’intéressant après celle-ci. Je n’ai d’ailleurs pas le temps de m’y rendre. Je dois rentrer au Stollborg le plus tôt possible pour m’occuper de ma représentation. Songez que, pour deux jours encore, je suis lié par un contrat au métier de fabulator. Je reste ici pour aider le danneman à emporter les malins, après quoi je profiterai de son traîneau pour retourner jusqu’au lac. N’oubliez pas que vous avez promis à M. Goefle et à moi de venir nous voir au Stollborg.

— Nous irons après le souper et la comédie, répondit le major. Comptez sur nous.

— Et moi, dit le danneman à Christian, je vous réponds de vous faire arriver au lac avant la nuit.

Il n’y avait pas beaucoup de temps à perdre. Les officiers allèrent rejoindre leurs traîneaux de campagne, et le danneman, aidé par Christian, son fils Olof et sa fille aînée, qui était venue les rejoindre, procéda avec une grande adresse et une grande prompti-