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de fêtes. L’ours est défiant et maussade de sa nature. Il n’aime ni les sons de l’orchestre ni les feux d’artifice, et tout le monde se disait à l’oreille que si on en rencontrait un seul, ce ne pouvait être qu’un ours apprivoisé et beau danseur, qui viendrait de lui-même donner la patte au châtelain. Le temps était néanmoins magnifique, les chemins de la forêt fort praticables, et c’était un but de promenade auquel personne ne manqua, même les gens âgés, qui se firent voiturer jusqu’à un pavillon rustique très comfortable où l’on devait déjeuner et dîner, soit que l’on eût tué des ours ou des lièvres.

Quand le château fut à peu près désert, Johan, ayant éloigné sous divers prétextes les valets dont il n’était pas sûr, procéda aux fonctions d’inquisiteur qu’il s’était vanté de mener à bien, et tint ainsi qu’il suit avec ponctualité, heure par heure, le rendu-compte de sa journée.

« Neuf heures. — L’Italien crie la faim et la soif. On le fait taire ; ce n’est pas difficile.

« Personne au Stollborg que Stenson, l’avocat et son petit laquais. Je ne parle pas d’Ulf, l’abruti. Christian Waldo a disparu, à moins qu’il ne soit malade et couché. L’avocat, qui partage sa chambre avec lui, ne laisse entrer personne, et commence à me devenir suspect.

« Dix heures. — Le capitaine me fait demander s’il est temps d’agir. Pas encore. L’Italien a encore trop de force. Christian Waldo est décidément à la promenade. Je suis entré dans la fameuse chambre, j’y ai trouvé l’avocat travaillant. Il dit ne pas savoir où est allé l’homme aux marionnettes. J’ai vu le bagage de celui-ci. Il n’est pas loin.

« Onze heures. — J’ai déterré le valet de Christian Waldo dans les écuries du château neuf. Je l’ai fait parler. Il sait le vrai nom de son maître : Dulac. Il serait donc Français et non Italien. Une découverte plus intéressante due à ce Puffo, c’est que nous avons ici deux Waldo pour un. Puffo n’a pas fait marcher les marionnettes hier soir, et le Waldo à qui j’ai parlé (l’homme à la tache de vin) m’a fait dix mensonges. Son compère dans la représentation est inconnu à Puffo. Ce Puffo était ivre hier, il a dormi. Il ne peut imaginer, dit-il, par qui il a pu être remplacé. J’ai eu envie de l’envoyer au capitaine, mais je crois voir qu’il dit vrai. Je ne le perds pas de vue. Il peut m’être utile.

« Ce second Waldo serait donc le faux Goefle. Alors, en n’ayant pas l’air de nous méfier, nous les tiendrons tous deux ce soir. J’ai cru voir que Stenson était inquiet. J’ai dit qu’on le laissât tranquille. Il faut, à tout événement, qu’il se rassure et ne nous échappe pas.

« Midi. — Je tiens tout : la preuve cachetée, que je vous envoie,