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provinces-unies de Moldavie et de Valachie. La séparation sera encore marquée par deux assemblées distinctes et par le double hospodarat; mais les Roumains obtiendront une première garantie de leur unité future dans une assemblée commune qui sera la représentation supérieure des intérêts collectifs des deux provinces. Les hospodars élus par le pays recevront l’investiture du sultan. Dans de pareilles conditions, l’indépendance des hospodars et de leurs administrations est assurée. Tels paraissent être les principaux traits dès à présent arrêtés de la réorganisation des provinces danubiennes. Les travaux de la conférence se prolongeront encore, croyons-nous, jusque vers la fin du mois d’août : ce n’est pas qu’elle soit arrêtée par des questions importantes; les questions de cet ordre sont résolues; il ne lui reste à régler que des détails d’un ordre secondaire. Parmi ces dernières questions, il en est une cependant qui n’est point sans gravité, c’est celle des juridictions consulaires en Moldavie et en Valachie. Parmi les empiétemens accomplis par l’Autriche dans ces provinces, les plus curieux sont ceux qu’elle a tentés à la faveur des juridictions consulaires. L’empire ottoman, même dans les siècles de sa puissance, avait accordé aux nations chrétiennes un privilège politique qui contraste singulièrement avec les principes de la souveraineté tels que les conçoit le droit des gens européen. Ce privilège, c’était le droit de justice réservé aux consuls sur leurs nationaux résidant dans l’empire ottoman. La justice dans la pensée des Turcs n’étant pas séparée de la religion, il était naturel qu’ils n’attribuassent point à leurs tribunaux le droit de juger les chrétiens, du moins dans les contestations, les délits et les crimes où l’une des deux parties n’appartenait point à la religion musulmane. De ce privilège, qui figure dans les capitulations de toutes les nations chrétiennes avec la Porte, les Autrichiens ont depuis quelques années tiré un parti étrange dans les principautés danubiennes. Il paraît d’abord surprenant que les juridictions consulaires aient été étendues dans les provinces roumaines, les populations et les tribunaux de ces provinces étant chrétiens et n’offrant pas par conséquent les dangers auxquels on avait paré en dérobant les Européens aux attributions de la justice musulmane. Quoi qu’il en soit, la juridiction consulaire existe dans les principautés ; mais l’Autriche l’y a poussée à son profit au-delà de toute limite raisonnable. Elle a d’abord revendiqué pour sa justice consulaire non-seulement toutes les affaires où les deux parties sont des sujets autrichiens, mais encore celles où un seul sujet autrichien est en face d’un sujet roumain. Elle a enlevé de la sorte le jugement des faillites aux tribunaux roumains toutes les fois qu’un sujet autrichien s’y trouve intéressé; puis, à l’aide de cet envahissement, elle a peu à peu enrôlé d’abord parmi ses protégés, ensuite parmi ses sujets nominaux, une multitude de Moldo-Valaques. On ne porte pas le nombre des Roumains habitant les principautés qu’elle a ainsi dénationalisés à moins de cent quarante mille. On voit qu’il y a là une usurpation de souveraineté et un abus auquel il est urgent de mettre un terme. Lorsque les principautés étaient livrées à la pression alternative du sultan ou du tsar, on pouvait fermer les yeux sur les entreprises de ce troisième larron qui venait rogner le butin des deux autres. Aujourd’hui l’on veut que les principautés s’appartiennent à elles-mêmes, et l’on ne saurait permettre la continuation des embauchages autrichiens. La conférence,