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avis au ministère de la guerre. L’avis du ministère de l’Algérie devra être prépondérant, ce nous semble, puisqu’il s’agira surtout, dans ce cas, de récompenser les services rendus dans les opérations militaires dont la conduite lui est réservée. En réalité, le ministère de l’Algérie sera donc sur bien des points un dédoublement du ministère de la guerre. C’est là qu’est l’innovation et recueil que nous signalions tout à l’heure. Les Anglais ont fait en Crimée l’expérience des dangers d’un gouvernement militaire complexe, et dans l’Inde ils ont reconnu les inconvéniens de ce qu’il appelaient le double gouvernement. Peut-être, si le nouveau ministère de l’Algérie n’avait point un prince à sa tête, serait-il impossible d’éviter les conflits entre les deux départemens et d’en maintenir longtemps la séparation. L’autorité personnelle du prince Napoléon surmontera sans doute ces difficultés; d’ailleurs nous espérons que l’avenir de l’Algérie offrira de jour en jour une tâche plus considérable au colonisateur, et que la prépondérance militaire ira diminuant d’autant. Personne plus que le prince Napoléon ne peut efficacement travailler à ce résultat, et le jour où il l’aura obtenu, il aura rendu un grand service à son pays.

Quoique la situation de l’Orient ne paraisse point avoir éprouvé d’heureuses modifications depuis deux semaines, il ne serait peut-être pas impossible que les efforts énergiques de notre diplomatie ne réussissent là aussi à ramener une accalmie au moins temporaire. Nous avons malheureusement des griefs personnels contre la Turquie depuis l’horrible massacre de Djeddah; mais la justice nous oblige de convenir que la Porte s’est montrée décidée à nous donner toutes les satisfactions qui sont en son pouvoir. Les agens du sultan chargés de nous assurer une réparation éclatante seront d’ailleurs surveillés et au besoin aidés par les commissaires et par les forces navales de la France et de l’Angleterre. La sécurité des chrétiens au milieu des populations musulmanes nous commande de faire à Djeddah un exemple mémorable. La punition des assassins ne suffit pas; il faut que la population de cette affreuse ville, coupable tout entière du massacre, soit mise à contribution pour subvenir aux indemnités dues aux victimes et puisse redire aux fanatiques musulmans ce qu’il en coûte d’attenter à la vie et aux propriétés des chrétiens. En Candie, le gouvernement ottoman intervient avec un zèle que nous voulons croire sincère entre les populations chrétienne et turque, et les choses semblent se pacifier. Un nouveau conflit a éclaté entre les Monténégrins et les Turcs; c’est un fait regrettable sans doute, et qu’il était aisé de prévoir. Pourtant, l’Europe ayant pris cette question en main, il n’y a pas lieu de redouter les suites de ces chocs, qu’il est si difficile de prévenir entre des soldats aussi peu disciplinés que les Turcs et des dans aussi belliqueux et aussi peu civilisés que ceux du Monténégro. Mais c’est ailleurs que nous voyons le commencement d’un meilleur ordre de choses du côté de l’Orient. Nous croyons pouvoir annoncer enfin que la conférence de Paris va terminer son œuvre laborieuse, et que la question des principautés est résolue.

L’organisation des provinces danubiennes conçue par la conférence n’est point encore cette unité que les libéraux européens demandent pour la Roumanie; mais c’est la préparation à l’unité. Les principautés danubiennes seront constituées, d’après la charte que rédige la conférence, sous le nom de