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protégée dans ses manifestations assidues par des garanties plus dignes de la France et plus conformes aux droits naturels de l’esprit humain que la législation de circonstance à laquelle la presse est soumise depuis sept ans.

Nous dira-t-on que ce libre jeu de l’opinion n’a point été réclamé pendant les sept années qu’a déjà traversées le gouvernement actuel, que l’action du gouvernement pendant cette période a été à la fois habile et heureuse, et marquée en plusieurs circonstances des caractères de la grandeur ? Quand on dirait vrai, et nous espérons qu’on ne nous fera pas l’injustice de croire que nous voulions contester au gouvernement le mérite et l’éclat de ses succès, on n’aurait rien prouvé contre la justice et l’urgence des libertés que nous demandons pour l’opinion. Les succès sont souvent le mérite des hommes et ne sont pas toujours le signe de la perfection des institutions. Des actes éclatans et heureux ne sont pas d’ailleurs tout le gouvernement. Sans être injuste envers les hommes et sans méconnaître la valeur de certains actes, nous croyons donc pouvoir appeler l’attention sur des symptômes qui nous frappent depuis quelque temps. Nous avons observé et nous avons écouté, et nous ne trouvons aucun danger à dire ce que nous avons vu et ce que nous avons entendu dire. On sait qu’un des reproches les plus vulgaires que l’on ait adressés à nos anciennes institutions parlementaires, c’est d’embarrasser et de paralyser l’action du pouvoir dans l’administration. La responsabilité politique, qui dans ce système pesait sur des fonctionnaires, était représentée comme une entrave qui engourdissait l’initiative et l’activité des administrateurs. Par contre, un des plus grands avantages que l’on attribuait au système actuel, qui concentre sur le chef de l’état toute la responsabilité politique, c’étaient l’énergie et la rapidité des résolutions et du travail rendues à l’administration, émancipée du contrôle ou des influences de la presse et du parlement. Si nous ajoutons foi à ce que nous entendons dire, nous croyons que l’on n’a point obtenu, sous ce rapport, tout ce que l’on s’était promis, et qu’il y aurait lieu de se montrer moins injuste envers l’influence que le régime parlementaire exerçait sur l’expédition des affaires publiques. Nous connaissons des fonctionnaires éminens qui, en dehors de toute considération politique, regrettent le vigoureux stimulant que les libertés parlementaires communiquaient aux grands services de l’état. On ne voit pas que le niveau des capacités se soit élevé dans le personnel administratif depuis que les fonctionnaires n’ont plus à redouter l’inquiète surveillance d’une presse libre ou des commissions d’une chambre des députés. On se plaint là du même engourdissement dont on souffre ailleurs. Enfin, depuis que les ministres ne sont plus responsables et n’ont plus à négocier leurs mesures avec des commissions parlementaires, on ne s’aperçoit point qu’ils apprécient les douceurs ou qu’ils mettent à profit les forces de l’irresponsabilité. Que signifient en effet ces commissions consultatives sous la sanction desquelles ils aiment à placer leur décision dans l’élaboration des plus importantes mesures ?

Nous venons d’avoir un exemple instructif des effets de ce système des commissions consultatives dans une affaire qui excite depuis deux mois un vif intérêt dans le monde industriel et financier. Nous voulons parler de la révision des conventions qui lient les compagnies de chemins de fer vis-à--