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profiter du progrès accompli ailleurs à la même époque, et que les effets civils du christianisme, non moins salutaires que son influence morale, y ont été paralysés; la nation, privée des moyens de profiter de l’héritage des lumières du passé, n’a pu que fort tard se rattacher à la tradition du monde civilisé. Le communisme russe est le résultat, non du caractère national, mais d’une phase du développement social qui, pour l’occident de l’Europe, appartient à la tradition historique, tandis qu’elle a survécu à l’orient : il représente le passé, et non l’avenir, et quand on croit y rencontrer des solutions imprévues, on prouve seulement qu’on a peu de mémoire. Loin de croire « que de cette source avec le temps découlera la véritable lumière sociale, au flambeau de laquelle pourront se réformer les sociétés occidentales, » nous sommes fermement convaincu que l’avenir de la Russie tient à ce qu’elle se mette au pas du monde civilisé, à ce qu’elle secoue les pratiques communistes, qui dépriment à la fois le progrès moral et l’essor de la prospérité matérielle.

Comment s’exerce le droit au sol? M. de Gerebtzof et M. de Haxthausen nous le diront. « dans les communes villageoises on partage les terrains selon le nombre des âmes[1]. D’après l’augmentation ou la diminution du nombre des habitans (mâles), tous les individus qui composent la commune et qui jouissent ensemble des terres communales se réunissent pour l’opération d’un nouveau partage. On divise alors toutes les terres par parcelles, selon leur qualité et leur destination. Les terres labourables et les prairies sont classées en autant d’espèces que le sol renferme de qualités. Chaque zone obtenue par ce classement est divisée, eu égard à sa distance du village, en autant de fractions qu’exige l’étendue du terrain à partager. Ensuite chaque chef de famille obtient au sort, dans chaque zone, autant de lots qu’il compte de contribuables dans sa famille, et gouverne la part qui lui est échue jusqu’au partage suivant. »

Les renseignemens recueillis par M. de Haxthausen concordent avec ces données, a Le principe sur lequel se fonde le partage des terres parmi les paysans est que toute la population masculine représente une unité collective, en conséquence de quoi la somme des terres, tant champs de labour, prairies et pâturages, que forêts, broussailles, lacs et étangs, forme aussi une unité foncière apparte-

  1. M. de Gerebtzof, à qui nous empruntons cette indication, dit par erreur selon le nombre d’ouvriers valides; les détails qu’il donne lui-même montrent que le droit au lot de terre appartient à chaque âme. c’est-à-dire à chaque individu du sexe masculin, quelque soit son âge. On ne tient compte de la force disponible que dans le partage par tiaglos, lorsque la redevance, au lieu d’être exigée en argent, est couverte au moyen de la corvée.