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cendres volcaniques qui remontent seulement à quelques années. Un tel sol convient parfaitement à certains arbres fruitiers, à la vigne, dont les racines tracent aisément dans ce terrain poreux; mais il le faut arroser abondamment. Les puits d’arrosage sont remarquables par les coulées de lave fort épaisses qu’il a fallu traverser pour atteindre la nappe d’eau. Ces cuirasses impénétrables, superposées en plusieurs assises, ne s’étendent pas heureusement d’une façon continue, et les nombreuses fentes qui les sillonnent peuvent laisser couler les eaux de pluie, qui se chargent, en les traversant, de sels alcalins capables d’activer prodigieusement la végétation. Cependant la pratique de l’arrosage n’est pas aussi répandue en Campanie qu’elle devrait l’être. On y supplée en plantant les champs de peupliers et d’ormeaux, à l’ombre desquels les récoltes peuvent se développer sans être desséchées par le soleil. Ces arbres supportent encore de la vigne qui va s’entrelaçant d’une branche à l’autre. Un tel système, qui permet sur le même sol de récolter des grains, des fruits, des raisins et du bois, paraît fort ingénieux au premier abord : les habitans, qui en sont enchantés, le vantent beaucoup; mais la culture de la terre ressemble fort, en cela du moins, à celle de l’esprit : la variété ne s’obtient qu’au détriment de la qualité et surtout de la quantité. Sous cette ombre, le raisin vient et mûrit mal, les céréales restent chétives et sont souvent attaquées par la carie. Si la terre était soumise à une culture découverte, mais arrosée, les produits en légumes et en grain seraient bien autrement abondans, et les plantes nourricières ne seraient pas épuisées ou étouffées par les herbes parasites, surtout par le chiendent, qui croît vigoureusement à l’ombre. Les racines de ce dernier végétal sont du reste fort recherchées pour la nourriture des chevaux. A certaines heures, on voit à Naples les cochers des voitures de place débrider leurs chevaux et leur présenter, avec du chiendent, des feuilles de laitue ou de chou, sauf à leur en dérober de temps à autre quelques-unes pour eux-mêmes, surtout les plus blanches. Nourris de chiendent, de laitues, de croûtes de concombre et de peaux de melon, avec quelques poignées d’avoine ou d’orge par accident, ces petits chevaux de Calabre sont d’une ardeur sans pareille.

La petite culture règne en maîtresse sur la côte occidentale du royaume de Naples. Ce pays lui convient par excellence. La population des villes y abonde, et cette population se nourrit exclusivement de fruits et de légumes. De tels produits, qui exigent sous ce climat peu d’engrais et beaucoup d’arrosage, veulent en outre une surveillance, un travail, des soins qui nécessitent la division de la terre. Il serait à désirer que partout la terre fût aussi fertile, la population aussi frugale : partout alors la terre pourrait être mor-