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On vante beaucoup les irrigations de la Lombardie, on cite à tout propos sa merveilleuse fertilité; mais ce qu’on oublie de mentionner, ce sont les masses considérables d’engrais fournis aux prairies, engrais que les eaux rendent plus actifs et plus prompts. Ces irrigations lombardes sont remarquables par leur étendue, par leur ancienneté, par le bon aménagement des eaux, surtout par le régulateur adapté à chaque prise. Sous ce rapport, nos canaux d’irrigation se trouvent dans un état vraiment barbare.

Le territoire de Lodi est le plus fertile et le plus riche dans ce riche et fertile pays. C’est là que de nombreuses vaches de race suisse, nourries à l’étable, donnent ce lait abondant qui est employé pour la fabrication de ces fromages improprement nommés parmesans. On estime à cent mille environ les vaches nourries dans le Milanais, à 20 millions de kilogrammes le fromage produit, représentant une valeur de 35 à 40 millions de fr. Est-il au monde une industrie qui soit aussi productive pour son pays que cette simple fabrication de fromages l’est pour la Lombardie?

Il existe en Piémont comme en Lombardie une culture tristement lucrative, celle du riz; les rizières doivent être des terrains submersibles, par suite bas et bien nivelés. Après une première préparation, la terre est inondée vers le mois d’avril pour recevoir la semence, que recouvre une simple poutre promenée par un cheval dans la vase; l’eau est ensuite écoulée pour favoriser la germination, puis le champ inondé de nouveau jusqu’à la floraison. Cette céréale se développe donc dans une vase semi-fluide dont les émanations, vers les mois d’août et de juillet, sont des plus délétères pour les ouvriers, principalement pour les femmes qui se livrent au sarclage. Ce travail doit être classé parmi les plus insalubres; il est heureusement le seul qu’on puisse ainsi qualifier parmi les travaux agricoles. Suivant les rapports des missionnaires, en Chine, où les rizières sont fort répandues, les ouvriers, grâce à des soins hygiéniques, à un usage abondant de thé excessivement chaud, échapperaient en partie à ces fièvres, qui sévissent cruellement sur les laboureurs italiens. La culture du riz est soumise à de nombreux règlemens restrictifs; il serait à souhaiter de les voir encore plus sévères. Puisse-t-elle se réduire le plus possible et même disparaître de l’assolement! Il faut attendre cet heureux changement des facilités avec lesquelles la marine approvisionnera l’Europe, lorsqu’une route plus directe aura été ouverte entre la Méditerranée et la mer des Indes. Les basses terres du reste ne sont pas en rizières d’une façon continue. Soumises aussi à la culture du froment, du lin, du maïs, elles sont tous les quatre ou cinq ans abandonnées à la végétation spontanée d’herbages et transformées en prairies pour le même laps