— Oui, monsieur le baron, ce n’est pas l’homme d’hier, c’est un monstre.
— Plus laid que toi ?
— Je suis beau en comparaison !
— Tu l’as vu, bien vu ?
— Comme je vous vois.
— Par surprise ?
— Nullement. Je lui ai dit que j’étais curieux, il s’est exécuté de bonne grâce.
— Et l’autre ? le faux Goefle ?
— Pas de nouvelles !
— C’est singulier ! On ne l’a vu nulle part ?
— Ce Waldo ne l’a pas aperçu au Stollborg, et M. Goefle n’est pas son compère.
— Ulphilas doit l’avoir vu pourtant ?
— Ulphilas n’a vu au Stollborg que M. Goefle, son domestique, et l’homme affreux que je viens de voir moi-même.
— M. Goefle a donc un domestique ? C’est notre inconnu déguisé.
— C’est un enfant de dix ans.
— Alors je m’y perds.
— Monsieur le baron a quelque renseignement de cet Italien qui est là ?
— Non : c’est un menteur ou un fou ; n’importe, il faut retrouver cet inconnu qui m’a insulté ! Tu m’as dit qu’il avait causé et fumé avec le major Larrson et ses amis ?
— Oui, dans la salle d’en bas.
— Alors ce sont ces jeunes gens qui le cachent ; il est dans le bostœlle du major !
— Je le ferai surveiller. Le major n’est pas homme à garder un secret avec cet air d’insouciance. Il est arrivé ce matin, et n’est pas retourné chez lui de la journée. Son lieutenant…
— Est un âne ! Mais ces jeunes gens me haïssent.
— Que pouvez-vous craindre de cet inconnu ?
— Rien et tout ! Que penses-tu de ce Tebaldo !
— Franche canaille !
— C’est pour cela qu’il ne faut pas le lâcher. Tu m’entends ?
— Parfaitement.
— Où en est-on du souper ?
— Au dessert bientôt.
— Il faut que je me montre. Tu donneras des ordres pour préparer mon plus beau traîneau, et mes meilleurs chevaux en quadrige.
— Vous allez faire cette course sur le lac ?
— Non, je tâcherai de me reposer au contraire ; mais il faut que l’on me croie très vaillant : je serai retenu par une affaire d’état.