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— C’est ce que je dirai à monsieur le baron, si la somme que je lui ai demandée ne lui paraît pas exorbitante.

— De quel intérêt peut être pour moi de savoir son nom ?

— Un intérêt immense… et capital… La manière dont le prétendu Tebaldo prononça ce mot parut faire quelque impression sur le baron.

— Vous dites, reprit-il après une pause, que la personne est morte ?

— Stenson l’affirme.

— Et vous ?

— J’en doute.

— Christian Waldo le sait peut-être ?

— Christian Waldo ne sait rien.

— Vous en êtes sûr ?

— J’en suis sûr.

— Mais vous voulez me donner à entendre que cet homme est précisément celui…

— Je n’ai pas dit cela, monsieur le baron.

— Alors vous voulez dire et ne pas dire ; vous voulez être payé d’avance pour une révélation chimérique.

— Je ne vous ai rien demandé que votre signature, monsieur le baron, dans le cas où vous serez content de moi.

— Je ne signe jamais. Tant pis pour qui doute de ma parole.

— Alors, monsieur le baron, je remporte mon secret ; celui qu’il intéresse au moins autant que vous l’aura pour rien.

Et Tebaldo allait résolument sortir du cabinet, lorsque le baron le rappela. Il se passait quelque chose d’assez naturel chez ces deux hommes. Ils avaient peur l’un de l’autre. Le premier n’avait pas encore touché le bouton de la serrure pour sortir, qu’il s’était dit : Je suis fou, le baron va me faire assassiner pour m’empêcher de parler. Le second s’était dit de son côté : Il a peut-être déjà parlé ; lui seul peut me faire savoir ce que j’ai à craindre.

— Monsieur Tebaldo, dit le baron, si je vous apprenais que j’en sais plus long que vous ne pensez ?

— J’en serais charmé pour vous, monseigneur, répondit l’Italien avec audace.

— La personne n’est pas morte, elle est ici ou du moins elle y était hier ; je l’ai vue, je l’ai reconnue.

— Reconnue ? dit Massarelli avec surprise.

— Oui, reconnue, je m’entends : cette personne se donnait le nom de Goefle, avec ou sans la permission d’un homme honorable qui s’appelle ainsi. Parlez donc, vous voyez que je suis sur la voie et qu’il est puéril de vouloir porter mes soupçons sur le bateleur Waldo.

L’Italien étonné resta court. Arrivé le matin même, il ne savait rien des incidens de la veille ; il avait rencontré M. Goefle sans le