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— Voilà, dit-il enfin à Massarelli, une très énorme aventure, je dirais une révélation très importante, si je pouvais ajouter foi à ce que je viens d’entendre ; mais j’ai été si souvent trompé dans les affaires délicates, qu’il me faudrait d’autres preuves que des paroles. Vous m’avez raconté un fait bizarre, romanesque, invraisemblable…

— Que M. Stenson a reconnu fort exact, répondit l’Italien, et qu’il n’a pas même essayé de nier.

— Vous le dites, reprit froidement le baron ; par malheur, je ne peux m’en assurer. Si j’interroge Stenson, que votre récit soit véridique ou imaginaire, il niera certainement.

— C’est probable, monsieur le baron ; un homme capable d’une dissimulation qui vous en a imposé pendant plus de vingt ans ne se fera pas faute de mentir encore ; mais si vous trouvez le moyen d’épier un entretien entre lui et moi, vous surprendrez la vérité. Je me charge bien de la lui arracher encore une fois et en votre présence, pourvu qu’il ne se doute pas que vous l’entendez.

— Il ne serait pas difficile, avec un homme aussi sourd, de se glisser dans son appartement ;… mais… puisque, selon lui, la personne est morte, que me fait, à moi, le passé du vieux Stenson ? Il a certainement agi à bonne intention, et, bien qu’il m’ait fait grand tort en laissant, par son silence, d’odieux soupçons peser sur moi,… comme le temps a fait justice de ces choses…

— Pas tant que monsieur le baron paraît le croire, reprit l’Italien, qui savait, aussi bien que le baron, s’envelopper d’un calme audacieux. C’est la légende du pays, et Christian Waldo l’a certainement ramassée sur son chemin en venant ici.

— Si cela était, reprit le baron, laissant percer une secrète rage, ce bateleur n’eût certes pas eu l’impudence d’en faire publiquement et devant moi le sujet d’une scène de comédie.

— C’était pourtant bien la représentation du vieux donjon… J’ai vu la localité aujourd’hui, et Christian Waldo, qui demeure au Stollborg, a pu la voir aussi. Les Italiens,… c’est très hardi, monsieur le baron, les Italiens !

— Je m’en aperçois, monsieur Tebaldo. Vous dites que ce Waldo demeure au Stollborg ? Il aurait donc fait ce tableau tout exprès et d’après nature ? Si promptement ! ce n’est pas probable. La ressemblance de son décor avec le donjon est une chose fortuite.

— Je ne le pense pas, monsieur le baron ; Waldo a une grande facilité, et il peint comme il improvise.

— Vous le connaissez donc ?

— Oui, monsieur le baron.

— Quel est son vrai nom ?