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Courage, monsieur Goefle ; j’ai fini de peindre, et je reprends la plume. Mettons les scènes en ordre. Scène première, « le cuisinier seul. »

— Attendez donc, Christian. Pourquoi n’a-t-on pas descendu tout bonnement l’enfant par un escalier ?

— Oui, au fait, d’autant que le Stollborg a un escalier dérobé ; mais il est gardé par des sbires.

— Incorruptibles ?

— Non, mais la duchesse est à court d’argent, et le traître en a les poches pleines. Seconde scène, « don Sanche, l’oncle féroce, arrive pour surveiller le crime. »

— Que ne monte-t-il lui-même dans le donjon, où la victime est sa prisonnière, et que ne jette-t-il l’enfant par la fenêtre sans tant de cérémonie ?

— Ah ! cela par exemple, je n’en sais rien. Mettons que l’enfant ne soit pas encore né, et que l’on attende le moment fatal !

— Très bien. L’enfant va donc naître, et c’est pendant que don Sanche entre dans le donjon et monte l’escalier que Paquita, la camériste, descend l’enfant qui vient de voir la lumière ! Dites-moi, verra-t-on l’enfant ?

— Certes ! je vais le peindre dans le berceau. Un bout de ficelle représentera la corde. Tout cela sera en découpure et vu dans l’éloignement.

— Alors le traître est fort désappointé de trouver l’oiseau envolé ? Que va-t-il faire ? Si nous le faisions tomber par la fenêtre et se briser la tête contre les rochers ?

— Non pas ! Gardons cela pour le dénoûment de la pièce, c’est une excellente fin !

— Eh bien ! dans sa rage, il tue sa malheureuse nièce. On entend un cri, et le meurtrier paraît en disant : « Mon honneur est vengé ! »

— Son honneur !… J’aimerais mieux qu’il dît ; « Ma fortune est faite. »

— Pourquoi ?

— Parce qu’il hérite de la duchesse : ne le faisons pas scélérat à moitié, puisque nous sommes résolus à lui rompre le crâne au dénoûment !

— Certainement c’est logique, mais…

— Mais quoi ?

— Oh ! c’est que nous retombons en plein dans l’histoire du baron Olaüs, telle que la racontent ses ennemis : une parente emprisonnée, disparue…

— Qu’est-ce que ça fait, puisque vous êtes sûr que l’histoire n’est pas vraie ?