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s’agit de répéter la pièce. Qu’est-ce que c’est ? Où est-elle ? Quel est le titre ?

— Attendez, attendez, monsieur Goefle : j’ai une quantité de canevas qu’il vous suffirait de lire une fois, vu que celui que l’on représente, écrit en gros caractères et résumé en peu de mots, est toujours attaché devant nous sur la face interne du théâtre ; mais ce que je voudrais pour jouer avec vous, c’est que la pièce vous fût agréable en se prêtant à votre fantaisie d’improvisation, et pour cela, si vous m’en croyez, nous allons la faire nous-mêmes, à nous deux, et tout de suite.

— C’est une idée cela, une excellente idée ! dit M. Goefle. Vite, asseyons-nous ici ; faites de la place sur cette table. Quel sera le sujet ?

— Celui que vous voudrez.

— Votre propre histoire, Christian, ou du moins quelques parties de votre histoire, telle que vous me l’avez racontée.

— Non, monsieur Goefle, mon histoire n’est pas gaie, et ne m’inspirerait rien de divertissant. Il n’y a de romanesque dans ma vie que ce que précisément j’en ignore, et c’est sur cette partie-là que j’ai souvent brodé les aventures de mon Stentarello. Vous savez que le Stentarello est un personnage qui se plie à tous les caractères et à toutes les situations. Eh bien ! une de mes fantaisies est de lui attribuer une naissance mystérieuse comme la mienne, dont il raconte souvent, au début de mes pièces, les circonstances particulières, l’histoire, vraie ou feinte, que Sofia Goffredi tenait du petit Juif. Je m’amuse à cela quelquefois, avec l’idée que je surprendrai dans mon public un mot, un cri qui me fera retrouver ma mère. Que voulez-vous ? c’est une fantaisie à moi ; mais parlons de Stentarello : c’est un type comique, tantôt jeune, tantôt vieux, selon que je lui cloue sur la tête une perruque blonde ou blanche. Or, pour être risible, il faut qu’il ait des ridicules. Dans la donnée dont je vous parle et que je vous propose, il va cherchant à découvrir les auteurs de ses jours, avec la prétention d’être au moins le bâtard d’un souverain. Il s’agit donc de le promener à travers des aventures absurdes, où il fait des bévues extravagantes, jusqu’à ce qu’enfin il découvre qu’il est le fils d’un rustre et s’estime encore bien heureux, après toutes ses disgrâces, de trouver chez son père l’asile et la nourriture.

— Très bien, dit M. Goefle ; nous le ferons gourmand et fils d’un rôtisseur ou d’un pâtissier.

— À merveille ! vous y êtes. Commençons.

— Écrivez, si vous êtes lisible ; moi, je ne le suis guère. Je trouve l’écriture trop lente pour rendre la parole, et je griffonne comme