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les mains du général O’Donnell, qui a conservé auprès de lui deux des membres du précédent ministère, M. Posada Herrera et le général Quesada, en associant à la nouvelle combinaison quelques hommes publics diversement connus, MM. Calderon Collantes, Fernandez Negrete, Salaverria, le marquis de Corbera. La politique, on le voit, n’a point épuisé ses mobilités et ses fluctuations en Espagne, et elle n’est pas tout à fait morte, comme on le disait.

Quant aux causes de la chute soudaine de M. Isturiz, elles sont assez visibles pour quiconque suit d’un œil attentif les affaires de la Péninsule. Outre que M. Isturiz, par son âge un peu avancé et par ses habitudes inactives, était peu propre à diriger le gouvernement au milieu de la confusion des partis, le vice était dans la situation même. Le dernier cabinet était évidemment un pouvoir de transition, sans point d’appui, sans autre raison d’être que de tempérer un moment des animosités et des antagonismes invétérés. Il ne pouvait vivre qu’à la condition de ne heurter aucune opinion et de se tenir, pour ainsi dire, à égale distance de toutes les fractions du parti conservateur qu’il était censé rallier. De quelque côté qu’il se tournât, tout lui rappelait sa faiblesse et les difficultés dont il était environné. Quand le ministre de l’intérieur, M. Ventura Diaz, subissant l’influence de la majorité du congrès, essayait, il y a deux mois, de faire prévaloir une politique conservatrice plus tranchée, le cabinet était menacé de dissolution, et il ne se sauvait qu’en sacrifiant M. Ventura Diaz. Cette modification ministérielle et l’entrée de M. Posada Herrera au pouvoir, en donnant au gouvernement une teinte plus libérale, ne faisait qu’indisposer la majorité du congrès, et il fallait recourir à une suspension précipitée des cortès. Les inaugurations de chemins de fer, les voyages royaux sont venus voiler un instant cette situation ; la difficulté n’existait pas moins, elle s’est révélée tout entière le jour où le cabinet a mis en délibération une question capitale, celle de savoir s’il devait attendre la réunion des cortès actuelles, ou s’il devait dès ce moment proposer à la reine la dissolution du congrès. C’est M. Posada Herrera qui a pris l’initiative en se prononçant nettement pour la dissolution de la chambre, et il a été particulièrement appuyé par le ministre de la marine, le général Quesada. Le président du conseil, M. Isturiz, aurait volontiers partagé cette opinion. D’autres ministres se sont prononcés pour le maintien du congrès actuel, et c’est ainsi que le cabinet est tombé en décomposition. M. Isturiz ne s’est point trouvé en position de résoudre cette crise en conservant la direction des affaires, et le pouvoir est passé entre les mains du général O’Donnell. En réalité, l’entrée de M. Posada Herrera au ministère, il y a deux mois, a été une sorte de trait d’union entre le cabinet de M. Isturiz et le cabinet nouveau. Si l’on compte bien, depuis deux ans c’est la cinquième combinaison qui se forme à Madrid, c’est la cinquième tentative qui se fait pour replacer la politique conservatrice dans ses véritables voies. Des cinq ministères qui ont passé au pouvoir, les uns ont échoué parce qu’ils se laissaient trop aller à la réaction, les autres parce qu’ils paraissaient vouloir être trop libéraux, d’autres enfin parce qu’ils n’ont pu être ni réactionnaires ni libéraux, et ceci est l’histoire du dernier cabinet. L’expérience se poursuit, on le voit ; seulement elle se poursuit, il faut le dire, au milieu de difficultés de plus en plus graves.

Une chose est à remarquer en effet : c’est que, dans les données visibles