Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/492

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des affaires étrangères de France. C’est là un travail complexe et d’une lente élaboration. Aussi, sans douter d’une solution heureuse des difficultés dont l’organisation nouvelle des principautés est hérissée, ne serions-nous point surpris de voir les travaux de la conférence, contre l’attente du public, se prolonger encore jusque dans le mois d’août.

La session s’achève en Angleterre au milieu de circonstances qu’il eût été bien difficile de prévoir au commencement de cette année. La discussion et le vote du bill de l’Inde semblent avoir porté le dernier coup à la force parlementaire de lord Palmerston. La chambre des communes a été élue sous le ministère de lord Palmerston, et elle lui apporta cent voix de majorité ; cette majorité s’est fondue à ce point que lord Palmerston n’a pu réussir à introduire dans le bill de l’Inde aucun des nombreux amendemens qu’il a présentés sans relâche. Après le vote final, M. Disraeli a remercié habilement la chambre d’avoir travaillé à cette œuvre en oubliant tout esprit de parti, en subordonnant les animosités politiques au grand intérêt national qui est en jeu dans la réorganisation du gouvernement de l’Inde. Ce compliment était sincère sans doute, mais il était aiguisé d’une pointe d’ironie, car la dissolution du parti libéral a contribué au moins autant que le patriotisme au résultat dont se félicitait le chef du parti tory. Jusqu’à présent, les radicaux scissionnaires qui ont appuyé le ministère de lord Derby n’ont donné aucun signe de repentir, n’ont témoigné aucune velléité de renouer leur ancienne alliance avec les whigs. Au contraire, quelques-uns de leurs orateurs et leurs journaux prennent plaisir à énumérer les concessions libérales qu’ils doivent au cabinet tory et à faire remarquer qu’ils n’eussent obtenu rien de semblable des whigs. Dans la conclusion de la discussion du bill de l’Inde, lord John Russell a fait, il est vrai, une avance marquée à M. Bright : il a déclaré que le discours prononcé par cet éminent orateur à la seconde lecture du bill est un des discours les plus remarquables qui aient jamais été entendus dans la chambre des communes. L’éloge était mérité, et il témoigne du désir qu’éprouve lord John Russell de se rapprocher de M. Bright. Lord John est un tacticien hardi, et nous ne serions pas surpris que l’année prochaine, lorsque la réforme parlementaire frappera à la porte de la chambre des communes, il ne préparât un terrain commun aux whigs et aux radicaux en acceptant le ballot, le vote au scrutin secret, qu’il a combattu jusqu’à ce jour, et dont M. Bright est le plus énergique partisan.

L’Espagne, depuis quelques mois, était vraiment en fête ; elle célébrait avec une sorte d’entraînement toutes ces pompes de l’industrie, devenues presque communes dans les autres pays, et qui ont tout l’attrait de la nouveauté au-delà des Pyrénées. Certes, à n’observer que les apparences, la politique semblait oubliée. Il y a des esprits très perspicaces qui ont toujours peur du bruit d’une discussion parlementaire, et qui ne manquaient pas, il y a peu de temps encore, de voir un symptôme heureux autant que significatif dans ce mouvement extérieur de prospérité publique venant aussitôt après la clôture des cortès. Il n’y a qu’un malheur : les fêtes ont cessé, et l’Espagne s’est réveillée tout à coup en face d’une nouvelle crise ministérielle qui a changé subitement toute la situation. Le cabinet présidé par M. Isturiz a disparu il y a peu de jours, et le pouvoir a été remis par la reine entre