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pareille assemblée ne fût pas redoutable, personne n’eut la liberté d’émettre son opinion. La constitution fut « votée » en trois séances tenues dans le palais du commissaire, en sa présence et devant son état-major, renforcé d’une « garde d’honneur » placée à la porte. Les Ioniens ont pu dire sans esprit de sédition qu’une pareille constitution n’était pas l’expression des vœux du pays.

D’après la constitution du 29 décembre 1817, le gouvernement se compose d’un sénat, d’une assemblée législative et d’un pouvoir judiciaire. La puissance exécutive est exercée en partie par le sénat, composé de « son altesse » le président, nommé par le roi, et de cinq « prestantissimes » sénateurs, choisis par l’assemblée législative parmi ses membres. Leur nomination est soumise à l’approbation du lord-commissaire, qui a de plus la nomination du secrétaire-général du sénat[1]. Le sénat propose les lois, qui deviennent exécutoires lorsqu’elles reçoivent la sanction du haut-commissaire. Les simples ordonnances émanées du sénat doivent également recevoir son approbation. Le commandement des troupes lui est exclusivement réservé.

Le parlement, qui renouvelle le sénat tous les cinq ans, est élu lui-même pour une période quinquennale. Il est composé de quarante législateurs qui ont le titre de « très nobles, » et dont le président est qualifié « d’excellence. » Chacune des îles envoie à Corfou un nombre de députés proportionné au chiffre de sa population. Elle a son administration et ses tribunaux particuliers. Le lord haut-commissaire convoque ou proroge le parlement, mais il faut pour le dissoudre une ordonnance du roi.

Il n’est pas nécessaire de montrer que cette république, nommée pompeusement par la constitution de 1817 « état libre et indépendant, » n’avait pas plus de « liberté » que « d’indépendance. » Si les Ioniens, au lieu d’être « protégés » par le roi d’Angleterre, avaient été ses « sujets (mot peu exact dans une monarchie constitutionnelle), » on aurait été obligé de leur accorder la plupart des droits qu’on leur refusait. Le dernier des Anglais était plus maître de ses mouvemens que « son altesse » le président du sénat. Les formes représentatives n’étaient qu’un vain appareil destiné à faire croire à l’Europe que les tories respectaient les traités. Les Anglais cependant ne voulurent point rendre une grande et libérale nation responsable d’une pareille fourberie, ils furent les premiers à citer Maitland au tribunal de l’opinion. Je n’en veux d’autre preuve que l’exposé impartial des vices du gouvernement ionien fait en 1821, par M. Hume, dans la chambre des communes. Un ministère britannique peut être

  1. Qu’il ne faut pas confondre avec le secrétaire d’état, qui existait au temps du protectorat russe. Le secrétaire-général est l’alter ego du haut-commissaire.