Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où le portrait du général, environné de fleurs, de branches de laurier et de devises, est offert à l’admiration des Corfiotes.

À dix heures, les autorités se rendent au palais, ayant à leur tête « le provéditeur, capitaine de forteresse. » Ce fonctionnaire, moitié civil et moitié militaire, dont dépendent Paxo et Parga, et qui est chargé de la police nocturne, est nommé directement par le sénat. Il porte une robe noire, l’habit et les bas rouges, ainsi que le baile, également choisi par le sénat, magistrat qui juge tous les différends d’intérêts et maintient l’ordre pendant le jour. Les deux conseillers du baile ont sous leur robe un habit noir. Les capi da mar (commandans des forces navales) attirent les regards par leur attitude martiale. L’armata suttile (escadre composée de galères, galiotes et autres bâtimens à rames) a pour principaux officiers le capitan di golfo (vice-amiral), le proveditore d’armata (lieutenant-général), le governator degli condannati (chef d’escadre). Chaque galère est commandée par un sopraccomito (capitaine). À la tête de l’armata grossa, composée de vaisseaux, de frégates et de chebecs, marchent le capitan delle navi (vice-amiral), l’amirante (lieutenant-général) et le patrono (chef d’escadre). Puis vient chaque governatore di nave (capitaine de vaisseau). Les officiers-généraux des troupes de terre, l’état-major de la garnison et les nobles vénitiens précèdent les trois syndics de la ville, accompagnés des gentilshommes indigènes.

Le général, en grande tenue et environné de toute sa cour, reçoit le cortège au palais du gouvernement. Le plus ancien des syndics prononce une harangue en l’honneur de son excellence, puis on se met en marche sur deux rangs, et on se dirige vers l’église de Saint-Spiridion. Au sortir de la forteresse, toutes les batteries saluent le général de vingt et un coups de canon, salut qui est aussitôt répété par les galères de l’armata suttile et par les vaisseaux de l’armata grossa. Lorsque son excellence paraît sur l’esplanade, l’infanterie italienne et l’infanterie esclavonne font trois décharges de mousqueterie, et les artilleurs mettent le feu à des pièces de campagne. Le général s’achemine sous l’arc de triomphe, foulant aux pieds les tapis que les Juifs étalent à mesure qu’il s’avance. Arrivé à l’église de Saint-Spiridion, il est reçu par le protopapa (archiprêtre) et par tout le clergé orthodoxe. On ouvre en son honneur la châsse du saint, et après une courte prière la procession reprend la route du palais. Pendant tout le reste de la journée, divers groupes de jeunes gens forment des danses sur l’esplanade, où la municipalité fait distribuer du vin et des rafraîchissemens. Divers jeux occupent aussi la foule. Ceux qui remportent les prix à ces jeux sont couronnés de lauriers et promenés en triomphe, comme autrefois les vainqueurs des jeux olympiques. La nuit venue, on illumine la ville, les galères et les vaisseaux. Au théâtre, éclairé par une multitude de bougies, on