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Le pupitre était rempli de rats et de hérissons. Les livres classiques n’abondaient pas dans cette étude ; en revanche, les tables étaient couvertes de fioles, de précipités chimiques, de machines électriques qu’il avait confectionnées lui-même. Le mobilier était pauvre, car Martin dépensait tout son argent en achats d’oiseaux, d’œufs, de nids et d’autres articles d’histoire naturelle : il se privait même de chandelle, s’éclairait au moyen d’une mèche de chanvre trempant dans une composition nauséabonde, et barbouillait ses devoirs à la lueur du foyer de la salle commune. Les plaintes d’Andromaque, les douleurs d’Hécube ou les fureurs amoureuses de Didon l’intéressaient médiocrement ; mais il connaissait à merveille tous les mystères des marais et des bois. Il savait où perchaient les éperviers, sur quel sapin on trouvait un nid de crécerelles, près de quel étang nichait le coq de bruyère. Il avait compté les œufs, il savait le nombre des petits. Il connaissait près d’un vieux canal un nid de martin-pêcheur, et comme il avait entendu dire que le gouvernement ou le British Muséum proposait une récompense de cent livres sterling à celui qui pourrait offrir un nid intact (chose rare, paraît-il), Martin rêvait au moyen de conquérir cette récompense, et calculait déjà combien d’articles d’histoire naturelle on pourrait avoir pour cette somme énorme. Personne ne le troublait dans ses recherches scientifiques, pas même le docteur Arnold, qui, ayant une fois voulu pénétrer dans son repaire, avait failli être asphyxié par la mauvaise odeur, et même foudroyé par une explosion, résultat d’un mélange imprudent. À cette passion scientifique Martin joignait une manie assez innocente : il s’était tatoué le corps comme un sauvage, et se montrait tout fier des belles arabesques que présentaient ses membres. Cela lui semblait même si beau qu’il n’avait eu de repos qu’après avoir dessiné une ancre sur le bras d’un jeune enfant frêle et mignon, dont il était le camarade intime.

Les scènes de mœurs sont aussi variées que les caractères et se présentent toutes devant nos yeux avec une vigoureuse physionomie anglaise : ce sont des mœurs brutales, mais pleines de candeur et de loyauté. Par exemple, un combat n’est pas, comme dans nos collèges, une rixe irrégulière, où les adversaires luttent en employant tous les moyens de défense que leur suggère la rage : l’école entière intervient afin de faire exécuter les règles d’un combat loyal. A fair play, une libre et loyale rivalité, telle est la première condition que les Anglais posent à leurs adversaires dans les combats de la vie. Le fair play est aussi la première condition, la base essentielle des pugilats de l’école. L’école fait cercle autour des combattans, qui choisissent leurs témoins comme pour un duel. Le combat dure jusqu’à ce que l’un des adversaires soit vaincu, mais on l’interrompt