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siège en règle. Le lendemain, ils convoquent la quatrième division tout entière ; mais cette réunion ressemble beaucoup au conseil tenu par les rats. On ne sait à quel parti s’arrêter, et il est à peu près décidé qu’on invoquera la protection de la sixième division, lorsqu’un bon conseil leur est donné par la voix d’un garçon qui assistait à la réunion en simple spectateur. « N’allez avertir personne, et résistez tout seuls ; ils se fatigueront bien vite. Je l’ai essayé moi-même autrefois avec leurs prédécesseurs. Nous nous révoltâmes, et ils nous laissèrent tranquilles. » Un cri général de résistance accueillit ce conseil. Hélas ! les enfans ressemblent beaucoup aux hommes : pendant quelque temps, on résista énergiquement, et on n’entendit parler que de batailles, de sièges soutenus, de lits brisés ou inondés ; mais peu à peu ce beau feu s’éteignit, Flashman et ses collègues battirent la ligue par détachemens ; l’un après l’autre, les insurgés se rendirent, et il ne resta plus debout sur la brèche que Tom, East et un de leurs camarades qu’on appelait familièrement le Télard. Ces trois héros connurent alors les souffrances qui ont traversé tous les braves cœurs ; pendant qu’ils se battaient vaillamment, ils étaient l’objet du dénigrement de ceux qui avaient failli à la tâche, et qu’ils s’efforçaient de délivrer. Leurs ingrats camarades s’indignaient de les trouver plus braves qu’ils ne l’avaient été, et murmuraient contre eux. — A quoi bon tant de luttes inutiles ? Mieux valait après tout la servitude des pharaons de la cinquième division. Il valait mieux certainement continuer à secouer des tapis et nettoyer des chandeliers qu’attraper de continuels coups de pied. — Trop de vertu excite l’envie, c’est une expérience qu’ont faite tous les héros. Cependant Tom et ses deux collègues tinrent bon. Malgré l’orage et après bien des traverses, ils mirent fin à cette tyrannie par un beau combat, qui guérit pour toujours le brutal Flashman de ses velléités de despotisme.

Dans un pareil système d’éducation, le caractère des enfans se forme vite, et laisse aisément deviner ce que sera l’homme futur. Nous avons donc dans ce récit toute une collection de caractères curieux et originaux : le vaillant petit Tom, bouillant comme Achille, prompt à la résistance ; le rusé Harry East, fin comme le fils de Laërte ; le bon Télard, camarade sûr, soldat dévoué plutôt que capitaine, sans initiative, et marchant toujours à la suite en fidèle Achate qu’il est ; le brutal Flashman, type de Thersite, exploiteur impudent. Il en est deux cependant qui dépassent tous les autres en originalité, et que je ne puis me dispenser de présenter au lecteur. Le premier est cet écolier qui avait donné à la quatrième division le conseil de la résistance. Il était un des meilleurs élèves de la cinquième division, et s’appelait Diggs ; mais ses habitudes et sa toilette