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Les recommandations du squire n’étaient pas inutiles, car les mœurs des écoliers anglais ne se distinguent pas précisément par la douceur et la discipliné. La féroce énergie innée en tout Anglais s’y révèle souvent par des divertissemens sauvages, et les jeunes gentlemen ne détestent pas plus que les charretiers et les brasseurs la vue d’un beau combat. Sur l’impériale de la diligence où il était perché, Tom eut, grâce aux bavardages du conducteur, un avant-goût des mœurs et des divertissemens ordinaires de ses futurs condisciples. « De braves et généreux gentlemen ! dit le conducteur ; mais ils vous mettent souvent dans de bien grands embarras, mon jeune monsieur, avec leurs grands fouets, et leurs sarbacanes, et leur tapage, et leur manie de faire des farces à tous ceux qu’on rencontre sur la route. Ils font pleuvoir une grêle de pois secs sur tous les voyageurs ; ils cassent les vitres, que sais-je ? En juin dernier, nous rencontrons une bande de pauvres diables d’Irlandais qui cassaient des pierres. — Eh ! messieurs, bonne occasion ! il faut cribler les Paddies et leur pincer les oreilles, crie un des jeunes gens. — Pour l’amour de Dieu, monsieur, crie Bob le cocher, n’en faites rien, ils vont démolir la voiture. — Tiens bon, cocher, et n’aie pas peur, crie le jeune monsieur. Hurrah, jeunes gens, et feu ! — Vous auriez ri de voir les figures des Paddies lorsqu’ils sentirent les pois. Il n’y avait pas trop de quoi rire cependant, car les voilà qui se mettent à nous poursuivre, et font mine de vouloir monter dans la voiture : un d’eux avait déjà grimpé sur le marchepied ; heureusement le pied lui manque, et il tombe sur un tas de pierres. Alors tous les autres font pleuvoir sur nous une grêle de pierres, et un combat s’ensuit à notre grand désavantage. Bob avait reçu une pierre dans le côté ; la tête de Box saignait, et son chapeau était perdu, ainsi que celui d’un autre gentleman, le mien défoncé ; nous avions tous une marque noire ou bleue quelque part. Il y avait bien deux livres sterling de dommage, qu’ils payèrent, et même ils nous donnèrent à Bob et à moi deux demi-souverains d’extra ; mais c’est égal, je ne voudrais pas recommencer pour dix souverains. Quelquefois il arrive des choses qui menacent de mal finir. Dernièrement, près de Bicester, nous rencontrons un vieux monsieur à cheval qui voyageait tranquillement. Il lève la tête, il reçoit un pois sur le nez, et son cheval, poivré aux fesses, se met à danser sur ses jambes de derrière. Le vieux monsieur ne dit rien, se tient à distance des fusillades, et trotte derrière la voiture de manière à ne pas la perdre de vue. Nous arrivons, le vieux s’arrête, descend de cheval, et dit que les deux jeunes gens qui l’ont blessé vont le suivre devant le magistrat. Tous les jeunes gens se soutiennent alors comme larrons en foire, et disent qu’ils doivent y aller tous ou aucun. Cela devenait sérieux, et la foule