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on ne pouvait réellement accuser personne du pays. On fit de vaines recherches. Quelques mineurs étrangers avaient brusquement disparu de Falun. On ne put les rattraper. Le baron Adelstan n’avait pas été dévalisé. Une seule personne au monde avait intérêt à se défaire de lui. Quelques-uns nommèrent tout bas le baron Olaüs, la plupart rejetèrent un pareil soupçon avec dégoût, mon père tout le premier.

« Le baron Olaüs montra un grand désespoir de la mort de son frère, et il accourut au pays, pleurant, un peu trop peut-être, dans le sein de tout le monde, et témoignant à sa belle-sœur le plus honnête dévouement. Chacun en fut édifié, excepté elle, qui le reçut avec une froideur extrême, et l’engagea, quelques heures après, à la laisser seule à des douleurs qui ne pouvaient admettre de consolation. Le baron partit, au grand regret des serviteurs qu’il avait comblés. Le soir de son départ, le jeune Harald, le fils de la baronne, fut pris de convulsions, et mourut dans la nuit.

« Poussée à bout par ce dernier coup du sort, la malheureuse mère oublia toute prudence, et accusa hautement Olaüs d’avoir empoisonné son enfant, après avoir fait assassiner son mari pour s’approprier la fortune entière. Ses cris frappèrent les murs, et restèrent sans écho. Aucun médecin spécial ne se trouva à portée de constater le genre de mort de l’enfant. Aucun domestique ne voulut se prêter à chercher des preuves contre le baron Olaüs. Le pasteur Mickelson, qui exerçait la médecine dans la paroisse, déclara que Harald était mort comme meurent les petits enfans dans les crises de la dentition, et que la pauvre baronne était injuste et insensée, ce qui est, hélas ! fort possible.

« Le baron Olaüs n’était pas bien loin quand il reçut la nouvelle de l’événement. Il revint sur ses pas, et sembla partager vivement la douleur de la baronne. Elle s’emporta contre lui en malédictions, auxquelles il ne répondit que par des sourires d’une tristesse déchirante. Tout le monde plaignit la veuve, la mère, la folle ! personne n’accusa le généreux, le patient, le sensible Olaüs. Peut-être le plaignit-on encore plus qu’elle d’avoir à supporter l’outrage de ses soupçons ; à coup sûr, on l’admira en voyant qu’au lieu de s’en irriter, il s’en plaignait d’un ton pénétré de tendresse, offrant à Hilda de garder son appartement dans le château et de vivre avec lui comme une sœur avec son frère. Je suis bien convaincu que le baron est un grand fourbe, et qu’il ne regrettait guère son neveu ; pourtant je suis loin de croire qu’il soit un monstre, et son caractère ne m’a jamais semblé assez hardi pour de pareils forfaits. La baronne était trop éprouvée et trop exaltée pour voir les choses avec sang-froid. Elle l’accusa d’avoir fait mourir père, frère et neveu, puis tout à coup elle