Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dieu, rayonnante de jeunesse et de beauté, rappelle par la forme des traits, et aussi par l’élégante disposition de la coiffure, ces têtes de femme au front développé, au masque un peu court ; aux cheveux, blonds et voltigeans, dont on trouve le principe dans les jeunes filles du Sposalizio et le type achevé dans les vierges. Cette tête d’Apollon, exquise de caractère et d’exécution, est en quelque sorte la signature même de Raphaël ; elle seule prouverait l’authenticité du tableau, si la main qui l’a peinte ne se trahissait ailleurs par des témoignages aussi peu équivoques. Les bras et le torse, modelés dans les détails avec une singulière finesse et dans l’ensemble avec beaucoup d’ampleur, accusent, il est vrai, plus ouvertement que les traits du visage l’étude des statues antiques ; mais sous ces dehors empruntés le sentiment personnel du maître se fait largement jour encore. Quelque chose de cette fleur de grâce qui s’épanouira plus tard dans les figures nues de Jésus et de saint Jean-Baptiste vient adoucir et pour ainsi dire parfumer la majesté un peu solennelle de la forme. Enfin il n’est pas jusqu’aux jambes, presque grêles à force de délicatesse dans les contours et dans les attaches, qui n’achèvent de persuader le regard et de révéler le pinceau coupable de ces exagérations charmantes.

Assis, en regard d’Apollon, sur un tertre dont les lignes timidement accidentées laissent deviner le siège sur lequel le modèle était placé dans l’atelier, Marsyas représente le vrai dans son acception tout humaine. Les formes du corps, non pas vulgaires, mais belles d’un certain beau familier, le ton hâlé des chairs, les cheveux bruns et ras plantés au-dessus d’un front sans noblesse, tout fait contraste avec l’élégance de dessin, la fraîcheur de coloris et l’expression d’intelligence qui caractérisent l’autre figure. Il est clair qu’en opposant à la beauté raffinée d’Apollon la beauté un peu abrupte de Marsyas, Raphaël a voulu faire pressentir l’infériorité intellectuelle ; la grossière vanité de celui-ci. Qu’on ne se méprenne pas toutefois sur les moyens employés pour la traduire. Ici même l’imitation de la réalité n’est pas si absolue qu’elle supprime toute liberté d’interprétation, toute aspiration vers le mieux. Seulement ces intentions s’arrêtent à des modifications de surface, à une sorte d’idéal extérieur que la largeur de l’exécution résume et définit tout entier. Rien de plus opportun sans doute au point de vue du sujet, mais aussi rien de plus malaisé quant à la pratique, surtout si l’on tient compte de l’exiguïté de la figure et de la pose qui lui est donnée. Tous ceux que l’expérience a familiarisés avec les conditions matérielles de la peinture savent quelles difficultés présente m’emmanchement anatomique, — pour parler la langue des ateliers, — dans certaines attitudes où la forme, un peu altérée par les accidens