que soient les œuvres dues aux pinceaux de ces disciples du nouvel art gréco-florentin, en est-il une seule où le sentiment de la nature vivante s’allie aussi heureusement qu’ici à l’intelligence de l’antique ? En est-il une où le coloris ait acquis cette souplesse et le dessin cette délicatesse sans contrainte, cette fluidité pour ainsi dire ? Que si l’on veut découvrir en dehors de l’école toscane l’auteur d’une production florentine pourtant au premier chef, les recherches seront plus stériles encore. À quel maître s’arrêter en effet ? Sera-ce au Perugin, dont le talent, foncièrement monotone et invariablement exploité, exclut de reste l’idée d’une transformation pareille ? Sera-ce à Lorenzo Costa ou à Francesco Francia ? Je sais que ce dernier nom, d’ailleurs un peu trop en faveur aujourd’hui, a été prononcé, mais, il faut le dire, assez à la légère. C’était beaucoup déjà que le peintre bolonais eût été officiellement déclaré l’auteur de l’admirable portrait d’homme qui figure dans le grand salon du Louvre, et que jusqu’ici l’on avait donné à Raphaël. Le doter par surcroît de l’Apollon nous semble bien autrement imprudent, et nous avons peiné à comprendre que la manière lisse et effacée, le sentiment un peu éteint de Francia, aient pu être confondus avec ce style si net et ces intentions si fines. Resterait, comme ressource extrême, l’hypothèse d’un maître inconnu ; mais alors il faudrait admettre que ce maître n’a produit rien d’autre, ou que tous ses tableaux ont été perdus, car on aura beau examiner de près les peintures anonymes de l’époque, on ne retrouvera nulle part quelque trace des qualités qui apparaissent ici. Et puis, comment expliquer la similitude singulière entre ces qualités et celles qui appartiennent en propre à Raphaël ? Comment supposer que des facultés si ouvertement exceptionnelles aient été le partage de deux individus, de deux organisations jumelles en quelque sorte ? La meilleure raison de croire que le peintre du Sposalizio est bien aussi le peintre de l’Apollon, c’est que nul, excepté lui, n’eût été capable de traiter ainsi cet ouvrage. Les preuves historiques d’authenticité manquent jusqu’à un certain point : soit, il y a toutefois un autre ordre d’évidence qui doit prévaloir sur le silence des biographes, sur le défaut ou l’insuffisance des traditions, et nous ne savons pas ; en pareil cas, d’indices plus surs, de témoignages plus concluans, que le caractère même de l’œuvre et le genre de beauté dont elle est empreinte.
Le tableau d’Apollon et Marsyas marque la phase intermédiaire entre l’époque des premiers essais tentés par Raphaël pour affranchir son talent et le moment où ce talent, une fois instruit auprès des maîtres de Florence, achève de prendre confiance et de se définir ; pour nous servir des termes consacrés, il marque le passage de la première à la seconde manière. L’Apollon doit donc avoir été