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entre les deux grands rivaux. C’est au milieu de ce mouvement général que M. Capranica place son drame, un drame dont la partie romanesque n’est pas toujours des plus heureuses, dont le dessin est parfois diffus ou léger, mais où quelques personnages ont un certain relief. Le principal de ces personnages, le héros même du roman, est Jean de Médicis, le chef des bandes noires, le grand diable, comme on l’appelait. C’est le type du condottiere ; il passe alternativement avec ses bandes de François Ier à Charles-Quint, et de l’empereur au roi de France, n’appartenant ni à l’un ni à l’autre, et guerroyant selon le caprice ou l’intérêt du moment, si ce n’est encore par amour de la guerre. M. Capranica lui fait le cœur un peu tendre et épuré, en lui prêtant un amour bien platonique pour la sœur du peintre Caravaggio. Au demeurant, le grand diable est une nature ouverte et franche qui a les passions, les vices et les vertus de son siècle. L’auteur de Giovanni delle bande nere aurait pu mettre dans son roman plus de force créatrice et plus de concentration ; il a du moins reproduit quelque chose de cette exubérance d’un temps où, comme il le dit, les Italiens trouvent tout à la fois ce qui peut flatter leur orgueil et ce qui peut réveiller leur douleur. ch. de mazade.



COUR D’ECONOMIE POLITIQUE PAR M. MICHEL CHEVALIER.[1]

M. Michel Chevalier publie la seconde édition du cours qu’il a professé au Collège de France il y a quelques années. Depuis lors, ses principes en économie politique n’ont point varié ; les conclusions qu’il tire des faits observés en France et au dehors sont demeurées les mêmes : seulement ces faits se sont développés avec le temps et ont fourni aux déductions du professeur qui les étudiait un grand nombre d’élémens nouveaux. On peut en juger par la comparaison de la première édition du Cours avec la seconde. Celle-ci forme en effet une œuvre presque entièrement neuve, grâce aux recherches que M. Chevalier a faites pour la mettre au courant des observations les plus récentes. C’est d’un bon exemple pour les auteurs que le succès oblige à multiplier les éditions de leurs écrits ; c’est un exemple de respect pour le public, de respect pour la science, et plus que toute autre science, l’économie politique exige une étude attentive, suivie, pour ainsi dire au jour le jour, des expériences et des faits qui éclairent ses démonstrations.

Le volume que nous avons sous les yeux traite d’ailleurs de questions qui sont depuis longtemps et demeureront longtemps encore au premier plan parmi celles dont les hommes de gouvernement et d’administration doivent se préoccuper. Dans quelle mesure l’état est-il appelé à participer aux grands travaux publics, et quel est le rôle assigné aux compagnies ? Est-il possible d’appliquer aux travaux d’utilité générale les bras des armées permanentes ? Quelle serait la meilleure organisation de l’industrie, et quels efforts ont été tentés jusqu’à ce jour pour introduire l’ordre et la discipline, sans exclure la liberté, dans l’armée des travailleurs ? Enfin comment conquérir au profit de toutes les classes le bon marché des produits ? Voilà les principaux points sur lesquels, dans le second volume de son Cours, M. Michel Chevalier appelle et captive l’attention.

On ne s’attend pas à ce que nous indiquions ici, ne fût-ce que par une

  1. Tome II, seconde édition, 1 vol. in-8 ; Paris 1858, Capelle, éditeur, rue Soufflot, 18.