Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/229

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont parlait l’empereur Nicolas ; mais il y a dans sa faiblesse et dans les entraînemens irréfléchis auxquels on peut craindre de la voir s’abandonner des difficultés qui rebutent et découragent les partisans les plus déclarés du maintien de l’équilibre oriental et de la paix du monde. Le gouvernement ottoman mériterait quelquefois d’être corrigé, mais il faut toujours prendre garde que la correction ne l’ébranle, et que les conséquences n’en rejaillissent violemment sur ceux qui veulent redresser trop brusquement ce débile empire. Nous croyons toucher là le point sensible et difficile des négociations auxquelles donne lieu en ce moment le règlement du sort des chrétiens de la Turquie. Tandis que les réunions de la conférence de Paris sont ajournées jusqu’au rétablissement de la santé du plénipotentiaire turc, Fuad-Pacha, les difficultés intérieures de la Turquie se compliquent et s’aggravent. L’émotion des populations chrétiennes se manifeste à peu près partout. Après la Bosnie et l’Herzégovine, c’est Candie qui s’agite. Sur ce dernier point du moins, le divan semble faire des efforts pour donner satisfaction aux justes griefs des chrétiens ; mais il est impossible d’accorder le même éloge à l’inexplicable conduite que le gouvernement turc poursuit vis-à-vis du Monténégro et des provinces voisines. À quoi serviront les troupes que le divan expédie sans relâche aux abords du Monténégro ? Vont-elles chercher une collision ? En vérité, le gouvernement ottoman voudrait provoquer un nouveau conflit sanglant avec les belliqueuses populations de la Montagne-Noire, qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Les Turcs pensent-ils que ce conflit, si malheureusement il éclatait, améliorerait leurs affaires ? Ne voient-ils pas qu’il les mettrait dans cette alternative, ou d’éprouver une nouvelle humiliation, s’ils se laissaient battre encore, ou d’exciter l’indignation et d’appeler une sévère intervention des puissances chrétiennes, si les Monténégrins étaient écrasés ? Pourquoi ne pas s’en remettre tout simplement à la décision de la conférence et abréger même par une habile docilité ces négociations que suivent avec une frémissante impatience les populations chrétiennes, et dont la durée ne contribue peut-être pas médiocrement à entretenir parmi elles une fermentation redoutable ? Voilà des considérations que l’Autriche devrait plus que personne faire valoir auprès du divan ; mais le cabinet de Vienne, qui, il y a peu d’années, ne voulait pas tolérer la concentration d’un corps turc en Bosnie et dans le voisinage du Monténégro, paraît encourager aujourd’hui le sultan à y amasser ses inutiles ou dangereux soldats. Explique qui pourra cette contradiction affligeante. Dans tous les cas, si elle dure quelque temps encore, et si elle a les conséquences déplorables que l’on a le droit d’appréhender, la politique autrichienne aura encouru une responsabilité fort grave.

Un tragique événement, la révolte des engagés noirs embarqués à bord d’un navire français, la Regina Cœli, sur la côte d’Afrique, a été entre la chambre haute du parlement anglais et la partie la moins intelligente et la plus rétrograde de la presse française l’occasion d’un échange regrettable d’appréciations et de récriminations injustes. Cet affreux malheur ne pouvait donner matière à aucun conflit entre les gouvernemens. Les circonstances qui l’ont accompagné ont dégagé l’armateur et le capitaine de la Regina Cœli de toute inculpation qui aurait tendu à les accuser de faire clandes-