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champ de mûriers, file la soie de ses cocons, et, quand le travail est terminé, se rend au principal marché du district, où il vend à des négocians en gros le produit de sa récolte. Ces négocians ont alors à trier les diverses qualités ide fils qui leur viennent de toutes mains et à les assortir pour en former les halles de soie qui sont envoyées dans les villes manufacturières ou dans les ports. M. Fortune observa, dans cette région de la Chine, l’apparence de bien-être, la simplicité de mœurs et la bienveillance naturelle qui l’avaient frappé déjà dans la province de Ché-kiang. Quant aux villes de Nant-sin et d’Hou-cheou, qui toutes deux, la dernière surtout, contiennent une population très considérable, il put s’y promener en toute liberté au milieu des démonstrations parfois ennuyeuses, mais toujours polies, de la curiosité publique, très légitimement excitée par l’apparition d’un étranger. Ses promenades le conduisaient au hasard dans les champs de mûriers, dans les fermes, dans les pagodes, qui couvrent les sommets des montagnes, et ses impressions rappellent exactement celles qu’il a éprouvées pendant son séjour dans le district de Tse-ki. Les bonzes l’accueillaient partout avec un égal empressement ; ils se montraient disposés à lui fournir les indications dont il avait besoin, et les moines reclus n’hésitaient pas à lui ouvrir la fenêtre de leur cellule. — Il y a dans un grand nombre de temples une certaine catégorie de bonzes qui se séparent pour un temps plus ou moins long de la vie commune, et s’enferment dans une cellule étroite, où leur vie se passe à réciter les prières de Bouddha. La durée la plus ordinaire de ces retraites est de trois ans. Est-ce une pénitence, ou l’accomplissement d’un vœu, ou bien encore un moyen d’obtenir par ce sacrifice volontaire un grade plus élevé dans la hiérarchie cléricale ? C’est ce que nous ignorons. Il n’en est pas moins curieux de découvrir en Chine ce mode de mortification dont la ferveur religieuse des premiers temps de l’église chrétienne et du moyen âge nous montre de fréquens exemples, et, pour le répéter en passant, ce n’est point la seule analogie que l’on pourrait signaler, dans les formes extérieures du rite, entre le culte de Bouddha et le catholicisme. — La principale ressource des monastères que l’on rencontre aux environs de Nantsin et d’Hau-cheou consiste dans la production de la soie. À l’époque où M. Fortune visita le temple de Ho-shan, il trouva la grande salle couverte d’un lit de feuilles de mûrier sur lequel s’agitaient des milliers de vers. Les divinités chinoises, dont les statues de bois contemplaient ce spectacle, n’étaient nullement émues de voir leur sainte demeure transformée en magnanerie.

La région de la soie s’étend jusqu’à Mei-chi, ville située à quarante milles environ à l’ouest d’Hou-cheou. Vers ce point, les