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sement, et qu’il ne tardera point à adopter des mesures qui seraient de nature à rendre la confiance et la sécurité aux propriétaires des actions de chemins de fer.

Chose curieuse ! le découragement du public touchant l’avenir financier des chemins de fer a commencé au moment même où l’état, par le remaniement des concessions effectuées l’année dernière, arrêtait et consolidait définitivement le partage de notre réseau entre six grandes compagnies. Or, en établissant ce système de concentration, l’état assurait l’avenir des actionnaires des compagnies existantes, puisqu’il les protégeait contre toute concurrence future, et que c’était surtout par la concurrence, l’exemple de l’Angleterre en faisait foi, que pouvaient être compromis les capitaux engagés dans ces entreprises. Il avait fait plus : dans un esprit de prévoyance et de justice, pour empêcher que les sections nouvelles, dont l’exploitation au début est toujours plus coûteuse et moins rémunératrice, ne vinssent peser sur les revenus acquis aux actionnaires par l’exploitation de l’ancien réseau, il avait, pour un laps de temps considérable, admis la séparation du compte d’exploitation des anciennes lignes d’après lequel se partageaient les profits acquis aux actionnaires et le compte d’exploitation des sections nouvelles. Chose curieuse, nous le répétons, ces sages précautions, inspirées par une sollicitude éclairée pour les capitaux engagés dans l’industrie des chemins de fer, ont été le point de départ de la défaillance de ces capitaux. Des fantômes de toute sorte ont été évoqués pour les effrayer sur le fardeau des concessions nouvelles. Les nouvelles lignes ne rapporteraient point des revenus proportionnés aux dépenses de construction qu’elles coûteraient ; le déficit que creuserait l’exploitation des embranchemens, vainement reculé par la séparation des comptes, dévorerait un jour les dividendes des actionnaires. C’en était fait des chemins de fer français. Ils étaient destinés au même sort que les chemins du royaume-uni. Démoralisé par ces prédictions répétées partout et sur tous les tons, l’esprit d’association était sur le point de faire défaut à l’achèvement de ce merveilleux système de voies de communication et de transport qui, même incomplet, a déjà donné une si puissante impulsion à la fortune de la France !

Si les intentions du ministre des travaux publics sont telles qu’on les représente, nous espérons qu’il aura enfin raison de ces inquiétudes et de ces doutes. Le plan que l’on prête au gouvernement consisterait en effet à détourner cette menace inconnue que l’on fait peser, aux yeux des actionnaires, sur l’avenir des nouvelles lignes à construire. Pour cela, il recourrait à la combinaison qui a été déjà si efficace à l’origine des entreprises de chemins de fer parmi nous, à la garantie d’intérêts donnée par l’état aux capitaux engagés dans la construction des lignes nouvelles. Avec cette garantie d’intérêts que l’état n’aura probablement pas plus à appliquer en fait aux sections nouvelles qu’il n’a eu à la réaliser pour les lignes mères, tous les doutes, toutes les incertitudes s’évanouissent, et les intérêts immenses attachés aux destinées de nos compagnies de chemins de fer sont assurés de leur avenir. C’est un remède d’opinion contre un mal d’opinion, Il ne nous reste qu’à faire des vœux pour que la décision du gouvernement à cet égard soit promptement arrêtée et communiquée au public. e. forcade.