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vers le nord et s’étendent sur le bord occidental du Tsad sont riches et fertiles, sans toutefois offrir les points de vue pittoresques et les paysages variés de l’Adamawa. En certains endroits, les figues, les dattes, les raisins, y croissent en abondance ; le gerreah est un arbre de la famille des mimosas, dont le fruit, assez semblable à celui du tamarin, combat efficacement la dyssenterie. Avec la graine d’un autre arbre, le kreb, on fait en plusieurs contrées un plat succulent qui, dit M. Barth, n’a d’autre inconvénient que d’exiger beaucoup de beurre. Le sorgho n’a pas moins de quinze pieds de haut. Les nombreux komadugus auxquels les débordemens périodiques du lac donnent naissance fournissent des quantités de poissons considérables que les naturels font sécher, et qui forment un objet de commerce assez important. Toutefois le natron que produisent les bords du lac, et le sel extrait des cendres lessivées du capparis sodata, sont la principale ressource de la contrée. Le sol et le climat ne sont pas moins favorables aux animaux qu’aux plantes. Un jour les voyageurs firent la rencontre de tout un troupeau d’éléphans qui s’avançaient lentement, en bon ordre comme une armée ; sur le front marchaient les mâles, reconnaissables à leur taille ; cinq d’une grosseur énorme dirigeaient la marche ; à peu de distance suivaient les jeunes et les femelles. Un de ces animaux sentit les voyageurs, et aussitôt plusieurs éléphans soulevèrent avec leur trompe des flots de poussière. Ils n’étaient pas moins de quatre-vingt-seize. Les autruches, les gazelles, se montraient en grand nombre ; le soir on entendait les rugissemens des lions et d’autres bêtes féroces. Une pauvre jeune fille, de la race des Buddumas, qui avait été enlevée pour les plaisirs du vizir Haj-Beshir, car l’escorte des voyageurs avait reçu ordre de ne pas oublier son musée ethnologique, s’échappa une nuit ; le lendemain, en la cherchant, on ne trouva que ses vêtemens en lambeaux, les bêtes féroces l’avaient dévorée. Dans une des marches précédentes, en approchant d’un gerreah touffu, les voyageurs s’étaient trouvés en face d’un serpent long de dix-huit pieds sept pouces et de cinq pouces de diamètre ; l’animal était suspendu aux branches de l’arbre ; plusieurs coups de fusil l’abattirent, on lui coupa la tête, et les nègres l’ouvrirent pour en extraire la graisse, qu’ils disent être excellente. Il va sans dire que les insectes abondent, et les riches herbages qui sollicitent au repos sont couverts de scorpions dont la piqûre est loin d’être sans danger. Au Musgu, dans une excursion postérieure à celle-ci, Barth, piqué au bras par un de ces insectes, fut deux jours comme paralysé. L’expédition se poursuivait ainsi avec grand profit ; elle avait contourné tout le rivage septentrional du lac, à une distance très peu considérable de ses bords, et déjà elle atteignait la région où le Kanem confine au Waday, quand une attaque subite des tribus belliqueuses au milieu desquelles elle s’était engagée la força de rétrograder. Il y eut un combat dans lequel Barth remplit vaillamment le devoir d’officier et de soldat, tandis qu’Overweg s’employait à panser les blessures ; mais, il faut l’avouer, malgré le secours de leurs auxiliaires européens, les Sliman, mercenaires au service du Bornu, furent battus, la tente de Barth fut prise, et les voyageurs perdirent une partie de leurs provisions et de leurs bagages. À la suite de cet échec il fallut battre en retraite, et la troupe, reprenant en partie les chemins qu’elle avait déjà suivis, rentra le 14 novembre à Kukawa.