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Dans la première hypothèse, ce serait sans doute sur ce fleuve même que l’on établirait le camp des Gaulois. Mauvaise position ; mais nous ne pourrions le pousser plus loin sans supprimer per extremos fines ; il faudrait alors trouver, à moins de quinze kilomètres (dix milles) et sur le territoire des Lingons, un emplacement qui se prêtât à la description des Commentaires. Il est impossible de le chercher au sud de la Tille, car cette rivière était probablement déjà en plein pays éduen[1]. Or si, du confluent de la Tille avec la Saône, je remonte sur la carte[2] la rive droite de cette dernière rivière, je rencontre d’abord une vaste forêt qui n’est séparée du fleuve que par un espace assez mince, rempli d’étangs, de marais ou de brusques accidens de terrain. Au nord de cette forêt vient la Bèze, puis la Vingeanne, qui coulent à peu près parallèlement l’une à l’autre dans une direction sud-est. César pouvait bien déboucher entre ces deux cours d’eau, soit que, venant de l’ouest, il eût longé toute la frontière des Éduens sans céder à la tentation de tomber sur leur pays dégarni de troupes, soit que, parti de Langres, il eût suivi la direction donnée plus tard à une voie romaine. Il eût alors campé la veille du combat entre Mirebeau-sur-Bèze et Blagny-sur-Vingeanne, tandis que les bivouacs gaulois auraient été aux environs de Pontaillier. Le combat se serait engagé le lendemain à la sortie de la forêt de Mirebeau, car il est, je crois, permis de supposer que les terrains boisés aujourd’hui l’étaient avant la conquête romaine ; mais le champ de bataille compris entre cette forêt, la Saône, la Bèze et la Vingeanne, n’aurait eu que trois kilomètres dans sa plus grande longueur et cinq dans sa plus grande largeur. Comment placer dans cet espace ainsi fermé par des obstacles naturels les deux grands corps de cavalerie qui se poussent et se repoussent, les légions qui manœuvrent et changent de front plusieurs fois ? D’ailleurs les Commentaires nous apprennent que la déroute des Gaulois fut décidée par un mouvement de la cavalerie auxiliaire, qui, s’emparant d’une hauteur à sa droite, menaça de leur couper la retraite. Or il y a bien sur notre champ de bataille imaginaire un mamelon, appelé sur la carte Signal de Maxilly, qui pourrait représenter cette colline ; mais il est tellement rapproché de la Saône, qu’en le supposant occupé par les Germains, il est difficile d’admettre qu’un seul Gaulois ait pu repasser le fleuve en vie. Il nous faut donc laisser les environs de Pontaillier et franchir la Vingeanne. Ici les conditions sont meilleures. On peut placer les bivouacs de

  1. Voyez la carte dressée par d’Anville pour l’intelligence des dissertations sur Genabum et Bibracte ; voyez aussi la carte de la province ecclésiastique de Lyon. Gallia christiana.
  2. Feuilles 112, 113, 125 et 126 de la carte du dépôt de la guerre.