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des services de toute nature. Il faisait aux grands du pays les crédits que lui faisaient à lui-même ses soldats indisciplinés et mal payés. Le collecteur anglais au contraire, alignant les dépenses et les recettes, eût trouvé dur de liquider les créances de l’armée d’Oude sans exiger en revanche pareille liquidation pour les arriérés d’impôts dus par l’aristocratie du pays. Et justement les plus hautes fonctions administratives de la nouvelle province, celles de commissaire en chef (chief commissioner), avaient été dévolues à un officier du service civil (M. Coverley Jackson), fiscal excellent, mais politique assez hasardeux, et qui mit immédiatement dans la perception des impôts une raideur inopportune. Les taloukdars plièrent et payèrent, mais non sans irritation. L’un d’eux, le rajah de Toulsepore, plus audacieux que les autres, se mit ouvertement en révolte. Il apprit à ses dépens que l’autorité avait changé de mains. Un collecteur anglais et quelques compagnies de cipayes furent envoyés sur ses domaines, qui passèrent aussitôt sous le séquestre. Ses hommes d’armes eurent ordre de se disperser, et obéirent. Le rajah lui-même fut conduit prisonnier à Lucknow, où il est mort pendant le siège, sans avoir recouvré sa liberté. À partir de ce moment, les politiques optimistes de Calcutta décidèrent que la question de l’Oude était « vidée. » On retira la plus grande partie des troupes anglaises qu’on avait envoyées en vue de la résistance possible, et le désarmement de la population, d’abord mis en question, fut ajourné[1] par lord Canning, qui venait de succéder, comme gouverneur-général, à lord Dalhousie.

Nous venons d’indiquer à peu près toutes les difficultés cachées sous le calme apparent du royaume d’Oude quelques mois après que l’Angleterre l’eut définitivement et complètement annexé à ses domaines de l’Hindpustan. Cet exposé, quoique bien rapide, fera comprendre que nulle part le mouvement insurrectionnel, parti d’ailleurs, ne devait trouver autant de facilités pour se développer et s’aggraver. Nous n’en raconterons pas en détail l’origine trop bien connue ; mais il ne sera peut-être pas sans intérêt de savoir à quels vices d’organisation militaire il est attribué par les écrivains les plus dignes de confiance.

  1. On redemanda cependant aux taloukdars les canons dont leurs forteresses étaient armées, offrant au reste fort naïvement de leur rembourser à prix légal « le métal » de ces pièces d’artillerie. Ils en livrèrent ainsi un certain nombre, et, le jour de la révolte venu, on put s’assurer qu’ils avaient gardé les meilleures.