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avait anéanti le parti de l’Espagne, et le seul souci de M. et de Mme du Maine était de faire oublier, à force d’empressement, qu’ils avaient songé à en former un. Le parlement avait disparu de la scène politique sous la menace du régent de le mettre au-dessous du dernier bailliage à sa première tentative d’ingérence dans les affaires de l’état. Une guerre dont la rudesse commençait à rappeler les jours du père Tellier était dirigée contre les appelans, un peu parce qu’ils formaient le parti de l’opposition, beaucoup plus parce que Dubois avait fait du parti moliniste l’instrument de sa fortune ecclésiastique, et que la poursuite effrénée de celle-ci lui ôtait le sang-froid qui formait l’une de ses qualités principales. Moitié par intérêt d’état, moitié par intérêt personnel, le régent et son ministre avaient donc noué avec Rome, durant les trois dernières années de leur vie, les relations les plus intimes, et ils en recevaient un concours dont la France avait perdu l’habitude depuis les temps de Louis XIV et de Mazarin. De là les efforts persévérans de la régence pour frapper d’un seul et dernier coup l’opposition politique et religieuse en imposant au parlement l’enregistrement de la bulle Unigenitus, que cette compagnie avait osé refuser à Louis XIV. Le succès fut complet, grâce aux ennuis d’un long séjour à Pontoise et aux efforts richement salariés du premier président de Mesmes. Lors donc qu’aux premiers jours de cette année 1723, dont ni le régent ni son ministre ne devaient voir le terme, le duc d’Orléans, radieux du démenti éclatant donné à de si persévérantes calomnies, remettait au monarque, entré dans sa treizième année, son royaume en paix avec l’Europe et avec lui-même, il pouvait se rendre le témoignage d’avoir servi la monarchie comme il appartenait au premier prince du sang et dans l’esprit de ses traditions gouvernementales.

Il avait été secondé dans cette œuvre par un ministre que son origine démocratique et la haine acharnée des grands avaient poussé à l’exercice du pouvoir absolu, et dont la faute principale fut de vouloir relever par des dignités ecclésiastiques une vie en désaccord avec elles. Il n’avait pas suffi à Dubois d’être proclamé premier ministre dans les termes mêmes où l’avait été Richelieu : ce vieillard avait voulu mourir prince de l’église, et ne s’était pas moins agité pour cette affaire que pour la signature de la quadruple alliance. Cédant à la pression de l’empereur et de la France, le saint-siège avait fini par revêtir de la pourpre l’ancien valet aux mœurs, sinon scandaleuses, du moins fort libres, que par une première faiblesse il avait élevé sur le siège de Fénelon. Ce fut le dernier et le plus déplorable triomphe de cette fortune Dubois, devenu ministre par ses talens, aurait peut-être désarmé l’envie et relevé certainement