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Cependant les difficultés principales de la négociation que Dubois suivait si laborieusement à Londres ne venaient ni de Vienne ni de Turin. L’on savait en effet fort bien que la première de ces cours ne tarderait pas à sacrifier ses traditions de famille à un grand intérêt territorial, si la possession de la Sicile assurait entre ses mains celle du royaume de Naples et ce n’était pas sans une secrète satisfaction que toutes les parties se proposaient de prouver au nouveau roi de Sicile que la force était encore demeurée la reine du monde, vieil axiome dont les succès de son habileté avaient fini par le faire douter. L’obstacle véritable était à Madrid, et chaque jour il paraissait devenir plus insurmontable. De cette cour partaient, comme d’un antre de conjurés, des nuées d’agens secrets, les uns pour provoquer l’héroïque folie de Charles XII à une descente en Écosse, ou pour attiser contre l’électeur de Hanovre les rancunes du tsar, les autres pour armer les Turcs et les insurgés hongrois contre l’empereur, le plus grand nombre pour donner du cœur au bon prince de Cellamare, engagé, à son vrai désespoir, dans des machinations dont il pénétrait fort bien la vanité sur les bords de la Seine, mais qu’on prenait fort au sérieux sur ceux du Manzanarès, où un émissaire de la duchesse du Maine exaltait par d’impudens mensonges l’imagination d’Alberoni.

Malgré la situation plus qu’équivoque des deux branches de la maison de Bourbon, les rapports officiels des deux cours se maintenaient encore sur un pied régulier. Le régent saisissait avec un empressement calculé toutes les occasions de donner au roi d’Espagne des marques d’une respectueuse déférence, en affectant de n’attribuer qu’au ministre dont il poursuivait la chute les mauvais procédés dont il avait à se plaindre. Il avait soigneusement informé Philippe V des conventions conclues à La Haye et fait les efforts les plus persévérans pour décider le prince à accéder au traité de la quadruple alliance, dont les préliminaires se négociaient alors à Londres entre l’Autriche et les trois puissances déjà confédérées. Afin de provoquer une adhésion qui aurait résolu presque toutes les difficultés à la fois, la France alla jusqu’à s’engager à faire garantir en Italie aux infans issus du second mariage du roi d’Espagne la dévolution des duchés de Parme et de Toscane, destinés à devenir bientôt vacans par l’absence d’héritiers mâles dans les maisons de Farnèse et de Médicis. Le régent attachait un si grand prix à désintéresser la reine et à ramener Philippe V, que Dubois lui reprocha plus d’une fois dans ses lettres de faire passer les intérêts de la France après ceux de l’Espagne ; mais ces efforts ne servirent qu’à rendre les inimitiés plus implacables et les aveuglemens plus profonds. Si la perspective de l’établissement de ses enfans à Parme et à Florence fut