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édits contre lesquels il avait protesté. Le duc de Bourbon se paya donc en argent et le duc d’Orléans en puissance.

Ce prince avait commis la faute signalée par Machiavel, de frapper ses adversaires à plusieurs reprises au lieu de les atteindre d’un seul coup, et celle de les laisser en même temps puissans et irrités. La conspiration de la maison du Maine contre la régence exista sans doute à partir de la mort de Louis XIV, mais elle prit une consistance un peu plus sérieuse après l’édit de 1717, et elle réunit toutes ses ressources dans une explosion de désespoir après le lit de justice de 1719. À sa première période, elle n’eut pas d’autre importance que celle qui appartient toujours aux conversations de beaux-esprits mécontens. De poétiques hommages à la déesse qui présidait aux grandes nuits, des contrastes heureux entre les plaisirs délicats dont Sceaux était l’asile et les tristes scènes du Palais-Royal, des allusions contre le régent et sa fille en délire, qui livrait sa jeunesse à la volupté et à l’orgueil comme une proie à dévorer, les flatteries académiques de Malézieu, les élégances d’esprit du cardinal de Polignac, et dans une ombre mystérieuse les hideuses déclamations de La Grange Chancel, ces distractions inoffensives, quoique fort malveillantes, avaient d’abord suffi aux passe-temps d’une société plus avide de plaisir que de pouvoir, et qui tenait aux émotions, de la lutte autant qu’aux profits de la victoire. Cependant, lorsque M. du Maine dut renoncer à un état princier qu’il possédait depuis sa naissance, quand la princesse associée à son sort par la volonté de Louis XIV, se vit dépouillée du rang qui seul rendait pour elle une telle union supportable, sa débile et nerveuse nature s’exalta jusqu’à la fureur, et à la politique du madrigal l’on tenta de substituer une véritable politique de conjurés.

D’abord parurent de gros mémoires farcis de textes sur les droits reconnus aux bâtards à diverses époques et dans diverses contrées ; puis circulèrent les pamphlets clandestins contre le régent, qui rappelaient ses attentats en laissant pressentir un crime plus grand encore. Bientôt l’on rédige des adresses aux futurs états-généraux, dont on évoquait le fantôme, afin de résister, si la mort venait à frapper le jeune roi, à des prétentions qu’on déclarait attentatoires à la souveraineté nationale, celle-ci pouvant seule, selon les publicistes de Sceaux, dépouiller de son droit héréditaire l’ancien duc d’Anjou au profit du duc d’Orléans. Par soi-même ou par des agens moins prudens que dévoués, l’on guettait dans les provinces tous les symptômes d’agitation, en s’empressant de les transformer en symptômes de révolte. Enfin, dans l’impuissance bien démontrée d’agir par soi-même, l’on arrivait vite au but final auquel avaient abouti jusqu’alors toutes les conspirations aristocratiques ; l’on implorait