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de peuplades inoffensives qu’il trouva livrées aux travaux de l’agriculture, et sur lesquelles il put aisément prélever l’impôt des fourrures. Poyarkof entendit parler d’une place fortifiée, située en Daourie, sur la Selimja : cette rivière n’est autre que la partie supérieure de l’affluent de l’Amour qui, à son embouchure dans le fleuve, porte le nom de Zéja. Il envoya cinquante Cosaques pour en faire la reconnaissance ; mais les Daouriens les obligèrent à se retirer.

En 1644, Poyarkof suivit lui-même la Zéja jusqu’à l’Amour, descendit ce fleuve, en reconnut les affluens, et parvint jusqu’à l’embouchure. Il passa l’hiver chez les Giljakes, qui lui donnèrent en tribut une grande quantité de zibelines. Au printemps, il s’embarqua sur la mer d’Okhotsk, et revint par terre à Iakoutsk, en traversant le nord de la Sibérie. Toutes les peuplades qu’il avait rencontrées dans ce long et aventureux voyage étaient de mœurs si douces et avaient si facilement consenti à payer l’impôt, qu’à son retour Poyarkof déclara hardiment qu’avec trois cents hommes on pourrait faire la conquête définitive de la vallée entière de l’Amour. Cette confiance se conçoit parce qu’il n’avait jamais rencontré les Mantchoux, qui n’avaient alors aucun poste sur le fleuve, et dont il ne connaissait ni le nombre ni les moyens de résistance.

En 1649, le palatin Transbekof permit à Poyarkof de faire une nouvelle expédition. Il enrôla soixante-dix hommes et se dirigea vers l’Amour pour soumettre les Daouriens à l’impôt. Les indigènes prirent la fuite à la nouvelle de son approche et abandonnèrent leurs villages, dont quelques-uns étaient pourtant entourés de palissades et de fossés. Encouragé dans son entreprise, Poyarkof alla chercher de nouvelles recrues ; mais il ne retourna pas lui-même en Daourie : un chef nouveau nommé Khabarof, se dirigea l’année suivante avec un corps russe vers l’Amour supérieur. À l’entrée de la vallée de l’Emuri, où plus tard les Cosaques fondèrent leur établissement principal, Khabarof trouva trois petites villes, dont chacune était gouvernée par un chef indépendant. Les indigènes essayèrent de se défendre : les premiers coups de feu abattirent leur courage. Khabarof prit d’assaut leurs villes, tua un grand nombre des habitans et fit beaucoup de prisonniers. Les incursions et les succès des Cosaques commencèrent dès lors à inquiéter les Mantchoux. La première expédition toute pacifique de Poyarkof ne les avait point alarmés ; mais dès qu’ils soupçonnèrent de la part des Cosaques de véritables projets de conquête, ils s’apprêtèrent à leur résister. Après ses premiers succès en Daourie, Khabarof descendit l’Amour et alla hiverner sur la partie inférieure du fleuve, à Atchan, où il se fortifia. Il fut bientôt attaqué par une armée de 2,000 hommes, principalement composée de Mantchoux : huit canons furent mis en