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de la Tartarie indépendante, de l’autre en Transbaïkalie, dans les vallées où prennent naissance les affluens de l’Amour. Des entreprises que tente la Russie dans ces deux directions dépend l’avenir de la Sibérie. On a récemment rendu compte ici même, avec d’intéressans détails, des expéditions dont la Tartarie indépendante a été le théâtre[1]. Je me propose de faire connaître les principaux résultats des tentatives qu’à l’autre extrémité du continent asiatique la Russie a récemment dirigées dans la vallée de l’Amour. Si les premières commencent à lui ouvrir ces régions célèbres de l’Asie centrale où de tout temps se sont jouées les destinées de l’Asie, les secondes lui donnent accès dans des régions neuves où elle ne semble avoir aucune lutte à redouter, ouvrent à son commerce des routes nouvelles, et assurent sa future influence dans les eaux de ce vaste Océan-Pacifique, où toutes les grandes nations cherchent aujourd’hui à développer leurs établissemens ou à en fonder.

L’Amour est le seul fleuve de l’Asie septentrionale qui ne descende point vers la Mer-Arctique ; son cours trace un arc immense qui, partant des montagnes situées à l’ouest du lac Baïkal, s’infléchit vers le sud jusqu’au-dessous du A8C degré de latitude : plus loin, il remonte vers le nord jusqu’à l’embouchure, située à la même latitude à peu près que la source. Il y a longtemps que ce magnifique cours d’eau avait attiré l’attention des conquérans de la Sibérie ; nous trouvons les renseignemens les plus complets sur leurs anciennes expéditions dans un intéressant mémoire de M. Sverbejef, qui prit part à la première expédition du général Mouravief, et eut l’occasion de faire de curieuses recherches dans les archives sibériennes. Les Cosaques de Tomsk, quand ils arrivèrent pour la première fois dans la Transbaïkalie, vers 1636, reçurent des Tungouses les premiers renseignemens relatifs à l’Amour, et principalement sur la. Schilka, qui est l’une de ses sources, et la Zéja, l’un des affluens les plus importans qu’on rencontre en descendant le fleuve. Vers la même époque, les Cosaques d’Iéniséisk obtenaient quelques données vagues sur l’Amour supérieur et la géographie de la Daourie. Pour les compléter, le premier palatin d’Iakoutsk, Pierre Golovine, envoya une expédition dans la Daourie. Poyarkof, à qui il confia cette mission, partit en 1683, et remonta avec cent trente Cosaques l’Aldan, un des affluens de la Lena ; il pénétra dans les montagnes qui séparent le système hydrographique de l’Amour des eaux de la Sibérie septentrionale, et arriva dans la vallée de la Brianda, petite rivière qui appartient au bassin du grand fleuve de la Daourie et de la Mantchourie. Il s’y établit, pour quelque temps, au milieu

  1. Voyez la Revue du 15 avril dernier.