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— D’autres prétendent qu’il a eu le nez coupé, dit un des jeunes gens.

— Et d’autres disent encore, ajouta un troisième interlocuteur, qu’il est le plus joli garçon du monde, et qu’il s’est montré à ses hôtes du faubourg et à quelques personnes qu’il avait prises en amitié.

— Il paraît même, reprit le major, qu’il ne se masque pas du tout dans ce qu’on pourrait appeler son intérieur ; mais les avis sont très partagés sur sa figure. Une jeune batelière, qui en était malade de curiosité, a obtenu qu’il ôtât ce masque, et s’est trouvée mal de frayeur en voyant une tête de mort.

— Décidément ce Waldo est le diable en personne, dit Marguerite, puisqu’il peut, à volonté, se montrer en beau garçon ou en spectre épouvantable. Est-ce que vous n’avez pas envie de le voir, mesdemoiselles ?

— Eh bien ! et vous, Marguerite ?

— Avouons franchement que nous en grillons toutes, ce qui ne nous empêche pas d’en avoir très peur !

— Et on dit qu’il va venir ici ? demanda une des demoiselles.

— On dit même qu’il y est, répondit le major.

— Quoi, vraiment ! s’écria Marguerite. Il est arrivé ? nous allons le voir ? Il est ici, dans le bal peut-être ?

— Oh ! quant à cela, dit Cristiano, ce serait difficile.

— Pourquoi difficile ?

— Parce qu’un saltimbanque n’oserait pas se présenter comme invité dans la bonne compagnie.

— Bah ! il paraît que le drôle ose tout, reprit le major. Son masque, son spectacle et son nom ne se quittent pas ; mais on prétend, et c’est très probable, que sous un autre nom et sans aucun masque il va et vient, pénètre partout à Stockholm, et que, dans les promenades et les tavernes les mieux fréquentées, on n’est jamais sûr, quand on parle de lui, de ne l’avoir pas à côté de soi, ou de ne pas lui adresser la parole à lui-même.

— Eh bien ! alors, reprit Cristiano, que sait-on en effet ? Il est peut-être dans cette chambre !

— Oh ! pour cela non ! répondit Marguerite après avoir fait de l’œil le tour de l’appartement, toutes les personnes qui sont ici se connaissent.

— Mais moi, on ne me connaît pas ? Je suis peut-être Christian Waldo !

— Eh bien ! où est donc votre tête de mort ? dit en riant une des jeunes filles. Sans masque et sans tête de mort, vous n’êtes qu’un Waldo apocryphe ! À propos, messieurs, quelqu’un nous dira-t-il comment on sait qu’il est arrivé ?