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candeur qui dissipa les inquiétudes de Cristiano ; je vois que monsieur votre oncle est un babillard, et qu’il vous a raconté ma visite de ce soir !

— J’ignore si vous lui avez confié quelque secret ; ce qu’il m’a répété ne renferme aucun mystère dont vous ayez à rougir.

— Répété,… répété… Vous étiez là, je parie, dans quelque chambre ou cabinet voisin ! Vous avez tout entendu !

— Eh bien ! oui, répondit Cristiano, qui vit que la confiance irait plus vite, s’il profitait de l’idée qu’on lui suggérait innocemment ; j’étais dans la chambre à coucher, occupé à mettre en ordre les papiers de mon oncle. À son insu et malgré moi, j’ai tout entendu.

— Voilà qui est agréable ! dit Marguerite un peu confuse, et cependant contente au fond du cœur sans pouvoir s’en rendre compte ; au lieu d’un confident, il se trouve que j’en ai deux !

— Vos confidences étaient celles d’un ange en apparence ; mais je commence à craindre que ce ne fussent réellement celles d’un démon !

— Merci de la bonne opinion que vous avez de moi ! Peut-on savoir sur quoi vous la fondez ?

— Sur une dissimulation que je ne m’explique pas. Vous avez dépeint le baron Olaüs comme un monstre au physique et au moral…

— Pardonnez-moi, monsieur ; vous avez mal entendu. Je l’ai dépeint désagréable, effrayant ; je n’ai jamais dit qu’il fût laid.

— Et pourtant vous auriez pu le dire, car il est, à franchement parler, d’une laideur accomplie.

— À cause de sa physionomie dure et froide, c’est vrai ; mais tout le monde s’accorde à dire qu’il a de fort beaux traits.

— Les gens de ce pays ont une singulière manière de voir ! Enfin ne disputons pas des goûts ! Moi, je vois autrement. Je le trouve laid et mal tourné, mais d’un aspect comique et débonnaire…

— Vous vous moquez certainement, monsieur Christian Goefle, ou il y a ici un quiproquo. Dieu me pardonne, vos yeux désignent le personnage qui est en face de nous ! Serait-il possible que, dans votre opinion, ce fût là le baron de Waldemora ?

— Ne dois-je pas croire que le baron est celui qui parle de vous comme de sa fiancée, et que vous appelez gaiement votre amoureux ? Marguerite éclata de rire. — Oh ! en effet, s’écria-t-elle, si vous avez pu croire que je traitais avec cette familiarité amicale le baron Olaüs, vous devez me juger bien menteuse ou bien inconséquente ; mais, Dieu merci, je ne suis ni l’une ni l’autre. Le personnage que j’appelle par plaisanterie mon amoureux n’est autre que le docteur es sciences Stangstadius, dont il est bien impossible que vous n’ayez pas entendu parler à votre oncle.

— Le docteur Stangstadius ? répondit Christian, soulagé d’un