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pile, P. Sextus Baculus, le plus vaillant des hommes, couvert de terribles blessures, ne pouvait plus se soutenir… César accourt, saisit le bouclier d’un soldat, s’élance au premier rang et appelle les centurions par leur nom[1]… » Dans cet émouvant récit, pas un mot des tribuns ; s’ils avaient été les véritables chefs de la légion, l’historien, le général les aurait-il, dans une circonstance pareille, entièrement passés sous silence ? Les prouesses des centurions sont racontées en maint endroit des Commentaires ; s’il mentionne les tribuns, c’est pour annoncer la transmission de quelque ordre, ou bien encore pour dire qu’il leur a enlevé leurs chevaux[2].

Le même esprit l’anime quand il s’agit de former les cadres des légions nouvelles. Selon la règle, les centurions devaient être choisis parmi les soldats de la légion. Cela avait peu d’inconvénient avant la réforme de Marius, lorsque le recrutement n’atteignait qu’une classe assez restreinte : les légions, quelle que fût la date de leur formation, renfermaient toujours un nombre suffisant d’hommes rompus au métier des armes ; mais depuis que le droit de cité et l’honneur de servir dans les armées romaines avaient été accordés à l’Italie entière, on était exposé à voir, à côté de corps entièrement composés de vétérans, des légions où les officiers étaient aussi novices que les soldats. Ici encore César n’hésite pas à s’affranchir de la règle, et ses vieilles légions lui fournissent le cadre de celles que lui envoie Pompée[3]. C’était une bonne mesure au point de vue militaire ; c’était doubler la valeur des jeunes troupes, en excitant l’émulation parmi les anciens soldats ; c’était aussi multiplier le nombre de ses créatures, et cette fois encore l’ambitieux trouvait son compte dans les sages résolutions du général.

Il était donc dans la pensée de César de multiplier les emplois d’officiers, et il est permis de croire que les vingt-deux cohortes qui occupaient la province étaient das cohortes auxiliaires, composées, comme nous le savons positivement, de recrues du pays, et commandées par d’anciens soldats romains, mais n’appartenant pas, même par leurs cadres, à l’armée active. Il devait en être ainsi de la garnison laissée auprès du pont sur le Rhin, si toutefois elle n’avait pas été retirée. Nous pouvons donc estimer que les cent cohortes légionnaires de l’armée des Gaules étaient présentes sous les aigles, et qu’elles pouvaient fournir au plus de 35 à 40 000 combattans.

Or c’était là à peu près la seule force dont le proconsul disposât. À cette époque, l’organisation de la légion ne comprenait plus ni

  1. B. G., II, 25.
  2. B. G., VII, 65.
  3. B. G. Vi, 40.