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Le gibet est, pour quelques gypsies d’Écosse, notamment pour la souche des Brown, une tradition de famille qui montre la ténacité de certaines habitudes chez cette race à part. Ann Brown, l’un des chefs femelles de la bande que Sandy a rendue fameuse, fut condamnée à quatorze années de bannissement. Elle passa sept hivers dans la prison d’Aberdeen, demeura neuf ans à Botany-Bay, se maria dans cette colonie à un gypsy, revint en Écosse avec plus de cent livres sterling, et s’établit marchande de poteries à Vemyss. Quand on lui demandait pourquoi elle avait quitté Botany-Bay, où elle gagnait tant d’argent, « il était bon de leur montrer, répondait-elle, que je pouvais revenir. » Son fils, le jeune Charlie Graham, succéda aux chefs de bande que la loi avait frappés. J’ai entendu raconter sur son compte des faits curieux. Une veuve chargée d’une nombreuse famille, et qui avait souvent donné asile aux gypsies dans sa maison, se trouvait dans un grand embarras d’argent pour payer son loyer. Graham lui prêta la somme dont elle avait besoin ; mais, comme le propriétaire retournait chez lui avec l’argent dans sa poche, Graham le vola, puis, sans perdre de temps, retourna chez la femme et lui remit la reconnaissance de la somme qu’elle avait empruntée. « C’était, disait-il, une des bonnes actions de sa vie. » Il n’en fut pas moins arrêté plus tard pour un vol de chevaux ; son chien trahit la retraite du gypsy en aboyant : il croyait donner l’alarme à son maître et donna l’éveil aux gens de justice. Quand Graham fut pris, un grand concours de personnes accourut pour le voir, tant il était célèbre par ses exploits de bandit. On lui mit les fers et les menottes ; mais ses pieds et ses mains étaient d’une petitesse si distinguée, contrastant avec les proportions athlétiques de sa taille, que ces entraves coulaient sur les jointures et blessaient ses chevilles et ses poignets. Il avait, assurent ceux qui l’ont vu, une figure noble et sympathique, et c’était, malgré ses mauvais tours, un grand favori du peuple des campagnes. Il fut pendu à Perth. En bon nombre de gypsies se rendirent sur le lieu de l’exécution, et quand son corps fut détaché du gibet, ils le couvrirent affectueusement de baisers. On célébra en son honneur le repas ordinaire des funérailles. Sa femme prit le cadavre, l’enterra dans la chaux, et s’assit sur la tombe durant quelques jours. Elle craignait qu’on ne l’enlevât pour le disséquer, comme cela arrive souvent aux condamnés à mort. Graham s’était vanté, en mettant le pied sur l’échafaud, de n’avoir du moins jamais répandu le sang humain. Jenny Graham, sa sœur, était la maîtresse d’un gentilhomme ; quoique richement entretenue, son attachement pour la vie errante était si invincible, qu’elle quitta son protecteur, sacrifia la richesse, et alla rejoindre le reste de la bande. Elle était d’une