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Lorsque César, en l’année 58 avant Jésus-Christ, avait pris le commandement de cette armée, elle se composait de quatre légions numérotées de 7 à 10. Ce sont celles qu’il désigne sous le nom de vieilles légions (veteranæ, veterrimæ) ; il leur confiait les postes les plus périlleux, les missions les plus difficiles, et les affectionnait particulièrement, la 10e surtout, que l’on retrouve presque toujours auprès de lui dans les circonstances critiques, et qu’il appelait sa cohorte prétorienne, sa garde, dirions-nous aujourd’hui. Dès le commencement des hostilités, il lève deux légions nouvelles[1], puis encore deux l’année suivante[2], puis enfin trois autres après sa cinquième campagne[3] ; ces sept dernières, toutes recrutées dans la Gaule citérieure ou cisalpine, n’en formaient alors plus que six, car l’une d’elles avait été anéantie jusqu’au dernier homme, après avoir enseveli son aigle[4]. César avait donc sous ses ordres dix légions pendant sa septième campagne.

Il est très difficile de fixer le nombre de combattans que cette organisation représente. Parmi les auteurs anciens, il n’y a que Polybe et Tite-Live qui aient écrit sur la légion romaine avec quelque détail ; mais Tite-Live n’était pas militaire, et le chapitre[5] qu’il consacre à cette institution présente de telles contradictions, de telles obscurités, que tous ses commentateurs sont unanimes à déclarer le texte altéré. Polybe connaissait admirablement le sujet et l’a traité avec une clarté parfaite ; par malheur nous n’avons que des fragmens de son sixième livre[6]. Pourtant nous y voyons que de son temps la légion comptait de 3 à 4 000 fantassins de ligne répartis en trente manipules ou compagnies, et environ 1 000 fantassins armés à la légère ; mais depuis le moment où fut composé le précieux Traité de la milice romaine, près d’un siècle et demi s’était écoulé. Marius avait bouleversé tout l’ancien système politique et militaire ; le mode de recrutement, l’ordre de bataille, avaient été changés ; les soldats n’étaient plus séparés en classes et portaient les mêmes armes ; enfin l’antique organisation des armées consulaires

  1. De Bello Gallico, I, 10.
  2. Ibid., ii, 2.
  3. Ibid., VI, 1.
  4. Ibid., V, 37.
  5. Histor., lib. viii, C. 8.
  6. Nous ne parlons pas de Végèce, qui écrivait à la fin du ive siècle de notre ère, et qui, mêlant sans cesse l’organisation ancienne avec celle qui existait de son temps, semble n’avoir pris la plume que pour jeter la confusion dans l’esprit de ses lecteurs. Le travail moderne le plus complet qui ait jamais été fait sur la légion est sans nul doute la suite de vingt-cinq mémoires que Lebeau a insérés dans le grand recueil de l’Académie des Inscriptions. L’aperçu que le général Vaudoncourt a joint à ses Campagnes d’Annibal nous paraît fort chimérique.