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l’art aux différentes époques et dans les diverses écoles. Les Notices assez récentes sur les monumens de tout genre qui ornent les galeries du Louvre attestent ce besoin, nouveau chez les érudits, d’aplanir le champ de la science et d’y attirer les profanes ; tel est aussi, entre autres mérites, le caractère du Catalogue que M. Chabouillet vient de publier sous les auspices de M. le ministre de l’instruction publique.

M. Chabouillet a entrepris de classer et de décrire près de quatre mille objets d’art exposés dans le cabinet des médailles et antiques de la Bibliothèque impériale : tâche méritoire, et d’autant plus opportune que jusqu’à ce jour rien ou presque rien de semblable n’avait été tenté. Quelques notices succinctes ou superficielles sur l’origine et les accroissemens successifs du cabinet, quelques dissertations insérées dans les recueils scientifiques, et ne concernant d’ailleurs qu’un nombre restreint de monumens, tels étaient à peu près les seuls secours offerts à l’étude ou à la curiosité. Il y a vingt ans toutefois, un écrivain dont le nom se rattache d’assez près aux progrès de la science numismatique en France et plus directement encore à l’histoire du théâtre moderne, M. Du Mersan, avait essayé de combler cette lacune ; mais le petit volume publié par lui en 1838 sous le titre un peu ambitieux d’Histoire du Cabinet des Médailles, ne contenant, quant aux objets d’art eux-mêmes, que des indications toutes sommaires, un simple relevé, suivant la place que ces objets occupent ou suivant le numéro qu’ils portent, on ne saurait reconnaître une utilité fort générale à un travail aussi sobre d’éclaircissemens et de commentaires. Ajoutons que depuis la publication du livre de M. Du Mersan, nombre de monumens importans sont venus enrichir la collection. Laisser plus longtemps les érudits sans conseils et le public sans leçons en face de tant de trésors, c’eût été renouveler sous une autre forme quelque chose de ce qui se passait au temps où le cabinet des médailles et antiques ne s’ouvrait qu’à de rares privilégiés. Tous ceux qui désormais visiteront ce cabinet, — l’un des premiers, sinon le premier du monde, — n’auront plus à regretter d’y être privés d’un guide.

L’ouvrage de M. Chabouillet, quelles que soient l’expérience archéologique et la sagacité de l’auteur, suscitera peut-être certaines objections sur des points de détail. Peut-être telle attribution sera-t-elle contestée, condamnée même par les antiquaires, assez enclins parfois à se dédommager de leur estime pour un confrère par le plaisir de le trouver en faute. Laissons à qui de droit ces innocentes vengeances, si tant est qu’ici quelque erreur que nous n’avons pas su apercevoir les excuse ou les justifie. Ce que nous oserons dire seulement, c’est que, au point de vue de l’art, le caractère et le mérite de chaque objet sont appréciés avec une grande justesse, que tout est défini et jugé de manière à ne laisser de doutes ni sur la beauté relative ni sur l’importance particulière des œuvres exposées, qu’en un mot, grâce à ce nouveau catalogue, le cabinet de la Bibliothèque impériale cessera de rester en quelque sorte le domaine exclusif des savans pour devenir un lieu fécond en enseignemens pour les artistes et pour le public.


HENRI DELABORDE.


V. DE MARS.