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gros l’historique de cette singulière crise dont personne ne peut ou ne veut jusqu’ici donner le véritable mot. Aux termes de la loi fondamentale, les membres de l’une ou l’autre chambre ne peuvent pas exercer de fonctions publiques salariées à moins d’un vote qui les y autorise. Par une sorte d’accord tacite, ce principe n’avait jamais été cependant appliqué au conseil d’état, que son mode d’organisation et ses attributions quasi-souveraines rendent à peu près indépendant des ministres ; mais la loi n’admettait pas d’exception, et dans la session dernière le comte de Thomar, tout conseiller d’état qu’il est lui-même, souleva un débat à ce sujet dans la chambre des pairs, dont les dispositions a l’égard du cabinet étaient au moins douteuses. La première pensée du cabinet fut de parer le coup en s’abritant derrière un conflit parlementaire, et la chambre des députés, dont il pouvait se croire sûr, fut saisie de la question ; mais cette dernière n’avait pas encore eu le temps de se prononcer qu’elle était dissoute.

Deux versions circulent sur les causes de cette détermination subite. D’après les uns, le ministère avait acquis d’avance la certitude que la majorité des députés allait pour la première fois lui faire défaut, et il aurait préféré les risques d’un appel aux électeurs à ceux d’une défaite parlementaire. Selon d’autres, il n’aurait dissous la chambre des députés que pour gagner du temps, en condamnant momentanément au silence l’opposition de la chambre des pairs. Dans l’interrègne parlementaire qu’entraînaient de nouvelles élections, le mariage du roi allait s’accomplir, et dom Pedro V, dont le constitutionalisme ne répugnait pas moins en 1858 qu’en 1856 à violenter les décisions de la chambre haute, allait avoir là une occasion naturelle et prévue d’y renforcer l’élément ministériel. Une fournée de pairs, faite à l’occasion du mariage royal, cessait effectivement d’être un expédient politique pour devenir une pure affaire de cérémonial et de tradition. Reste à savoir si dom Pedro donnera raison à ces calculs. À l’heure qu’il est, aucune nomination de pairs n’a encore paru.

Quoi qu’il en soit, un grand fait ressort des dernières élections : c’est que le pays veut bien décidément en finir avec les anciennes coteries politiques. En 1856, on avait attribué le succès électoral de l’administration incolore que préside le marquis de Loulé à la guerre acharnée que s’étaient faite au scrutin les cabralistes et les septembristes tant anciens que nouveaux (confondus, depuis le ministère Saldañha-Fontes, sous le nom de parti de la régénération). En 1858, pareille explication n’est plus soutenable : cabralistes et régénérateurs se sont subitement coalisés, et cependant l’insuccès des uns et des autres a été plus complet qu’il y a deux ans. C’est aux hommes d’une réelle valeur que comptent en assez grand nombre ces deux partis à faire leur profit de la leçon, en répudiant tout les premiers des classifications qui ne servent plus qu’à les compromettre, car au fond elles ne répondent plus à rien. Les deux partis ont fait à tour de rôle, depuis quinze ans, tant de reculades involontaires ou calculées, ils ont si souvent échangé leurs programmes, selon que les circonstances les poussaient au pouvoir ou les rejetaient dans l’opposition, que pour transformer leur coalition d’une heure en alliance réelle et durable, ils n’auraient de part et d’autre aucun principe à sacrifier. À défaut de questions de principe restent, il est vrai, entre