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sa sentence. Ce code, publié à plusieurs milliers d’exemplaires, fut distribué dans tous les villages, et chaque pope devait en posséder un exemplaire. Dans le préambule, le prince recommande à tout Monténégrin sachant lire de rassembler les dimanches et jours de fête tous ses parens et amis pour leur en donner lecture. À l’époque du paiement des impôts, les chefs qui viennent à Cétinié remettre l’argent de leurs nahias en rapportent toujours chez eux un certain nombre d’exemplaires. Le vladika Pierre II avait tenté la répression des vendettes, des sangs entre les familles, comme on dit sur la Montagne-Noire ; le prince Danilo décréta que tout acte de violence contre un citoyen monténégrin, étant un crime public, serait poursuivi par l’autorité et puni conformément à la loi, sans jamais admettre de composition pécuniaire. Cette grande réforme des mœurs monténégrines peut donc être regardée comme accomplie.

Une école publique avait été fondée par le vladika à Cétinié. Le prince Danilo augmenta le nombre des élèves en choisissant les enfans que lui recommandaient les archimandrites et kaloudjers des différentes nahias. L’instruction, quoique fort élémentaire, comprend pourtant l’étude générale de l’histoire serbe (chaque Monténégrin sait par les traditions et les chants nationaux celle de son pays), l’histoire sainte, le chant d’église, et les notions les plus simples de philosophie et de théologie. À Rieka, à Ostrog, à Boukovitch, d’autres écoles sont sous la direction des kaloudjers ; à Orialuka, où le prince a fait bâtir une résidence d’hiver, un bâtiment a été édifié pour une grande école. Plusieurs centaines d’enfans reçoivent ainsi une éducation spécialement religieuse, la plupart d’entre eux se destinant à l’état ecclésiastique. La princesse du Monténégro s’occupe spécialement de la surveillance des écoles ; accompagnée de son mari, elle vient plusieurs fois par an assister aux examens et aux récompenses des jeunes élèves.

L’imprimerie de Cétinié, avec laquelle Pierre II avait publié une partie de ses œuvres et l’almanach national la Grlitza (la tourterelle), a fonctionné jusqu’à l’invasion d’Omer-Pacha. À cette époque, le manque de plomb força les Monténégrins à employer toute espèce de matière pour fondre des balles, et les caractères d’imprimerie servirent à cet usage. En 1857, le prince Danilo a fait l’acquisition d’une nouvelle imprimerie.

Pour qui, venant des provinces turques, pénètre au Monténégro, l’activité laborieuse des habitans est un spectacle nouveau. On sent un peuple plein de sève et qui se croit de l’avenir. Des travaux très imparfaits sans doute, mais d’une utilité générale, — des quais, des ponts, l’entretien de quelques chemins, — témoignent de la sollicitude du prince Danilo pour le bien-être de son peuple. Le zèle avec