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que 12 millions de quintaux métriques de houille, soit un peu plus du quart de la quantité brûlée dans la capitale de l’Angleterre. Outre leurs canaux navigables, qui donnent de si faciles débouchés à une matière première aussi gênante que la houille, et pour le transport de laquelle ces canaux ont été à peu près exclusivement établis, nos voisins d’outre-Manche ont encore leurs innombrables chemins de fer, dont les compagnies tentent de rivaliser avec les steamers à hélice eux-mêmes, en n’appliquant à la houille que le tarif minime, de 0 fr. 014 par tonne et par kilomètre. En 1855, le Great Northern seul a transporté plus de 80 millions de quintaux métriques de houille. Le cabotage, qui est presque entièrement desservi par ce commerce spécial, ne donne pas des résultats moins grandioses. À défaut de chiffres plus récens, je rappellerai que M. Talabot, rapporteur de la commission des vœux au conseil général des manufactures, disait le 3 janvier 1846, dans un débat sur la question du transport exclusif des houilles par bâtimens français, que le cabotage seul du charbon dépassait en Angleterre 7,700,000 tonneaux, c’est-à-dire le triple de notre cabotage entier, sur 12 millions afférens au cabotage général, et présentait un mouvement de cent mille vaisseaux, — qu’il entrait par cette voie pour la seule ville de Londres 2,900,000 tonneaux. Suivant un reviewer anglais que j’ai déjà eu occasion de citer[1], en un seul mois (octobre 1852), sept cent quatre-vingt-huit vaisseaux, transportant près de 255,000 tonnes de houille extraites des mines du nord, arrivaient dans la capitale de la Grande-Bretagne, et dans toute l’année les bâtimens partis du bassin de Newcastle étaient en destination de trois cent onze ports appartenant aux diverses parties du monde. « Une fois, dit ce publiciste, trois cents navires environ, chargés de charbon, furent vus, à une seule marée, sortant ensemble de l’embouchure de la Tyne et se dispersant sur l’Océan, leurs proues tournées dans presque toutes les directions, s’enfonçant profondément dans les eaux sous le poids de leur fardeau minéral, d’une bien plus grande valeur pour nous que des sables aurifères ou les mines du Mexique. » Pensée éminemment juste, car c’est réellement la houille qui, dans l’ordre industriel, assigne principalement à l’Angleterre le premier rang parmi toutes les nations du globe. On rappelait récemment ici même que, des trois élémens du grand fret maritime (coton, houille et sucre) qu’une puissance navale doit attirer à elle, indépendamment des affrétemens généraux, la Grande-Bretagne possédait les deux derniers[2] : on voit quelle est la valeur de l’un de ces élémens.

  1. The British Quarterly Review, 1 january 1857.
  2. Les Colonies françaises depuis l’Abolition de l’Esclavage, par M. R. Lepelletier Saint-Rémy, livraison du 1er janvier 1858.