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Il est impossible de se procurer, avant 1787, des chiffres propres à faire apprécier la valeur réelle de l’importation anglaise en houille : pour cette année, elle est de 1,573,784 quintaux métriques, et constitue ainsi les trois quarts de l’importation totale, soit un peu moins du tiers de la consommation française. En 1789, ce chiffre est de 1,800,000. Après avoir diminué peu à peu jusqu’à devenir nulle pendant toute la période qui correspond au blocus continental, établi depuis la fin de 1806 jusqu’à la chute de l’empire, l’importation des houilles anglaises en France reparaît à peine durant les vingt ans qui précèdent la promulgation de la loi de 1836. Bien que l’ordonnance de 1837 eût aussi diminué de moitié les droits d’entrée sur les houilles belges ? elle avait eu nécessairement une influence plus grande sur l’importation du royaume-uni, attendu que la taxe perçue sur la frontière maritime était plus que triple de celle perçue sur la frontière de terre, dans la partie où s’opérait principalement l’entrée des houilles de Belgique. En somme, quoique depuis cette époque l’importation belge ait toujours été beaucoup plus considérable que l’importation anglaise, la première a seulement triplé, tandis que la seconde a sextuplé.

La Grande-Bretagne a toujours été et elle est encore maintenant le point de mire des partisans des restrictions commerciales. Les houillères du nord de la France sont, à proprement parler, les seules qu’expose à la concurrence étrangère le voisinage des houillères de la Belgique, dont les produits d’ailleurs semblent nous être assurés. L’importation anglaise au contraire, par ses progrès incessans, puisqu’elle tend à pénétrer de plus en plus dans l’intérieur de la France par l’intermédiaire des voies navigables qui débouchent dans l’Océan, intéresse un nombre beaucoup plus considérable d’exploitons. Dans ce débat industriel et commercial, aux consommateurs qui demandent à grands cris de la houille abondante et à bon marché viennent se joindre les chambres de commerce de nos principales villes maritimes, d’ailleurs à bon droit un a peu suspectes, puisque les intérêts qu’elles représentent ont pour base essentielle l’industrie des transports, et que par conséquent ces villes ne demandent naturellement qu’exportation et importation. La Belgique même paraît vouloir entrer dans la lice pour son propre compte, bien que sa production, si considérable eu égard à la faible étendue de son territoire, semble devoir la mettre à l’abri des envahissemens de l’Angleterre en matière de combustibles minéraux[1]. Le directeur d’un des principaux charbonnages

  1. La discussion récente à la chambre des représentans belges d’un projet de loi relatif au transit a été marquée par un incident qui montre combien et à quel titre réel la bouille anglaise préoccupe nos voisins. Le gouvernement proposait de mettre sur les charbons un droit de transit de 17 centimes par quintal métrique, et la section chargée de l’examen du projet de loi demandait par amendement la suppression de tout droit, en raison de la voie détournée que serait obligée de prendre une marchandise britannique pour se rendre dans le nord de la France par la Belgique, et de la quantité minime des nouilles qui pourraient ainsi transiter. Le gouvernement, par l’organe du ministre des finances, et alors que le ministre des affaires étrangères votait en faveur de l’amendement, a répondu que le droit de transit devait être maintenu tant que le régime des zones serait en vigueur en France. Bref, l’amendement n’a été rejeté que par 44 voix contre 35, alors que l’ensemble du projet était adopté par 71 voix contre 3.