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les législations douanières de deux matières premières d’une aussi haute importance ; un jour même les verra peut-être réunies dans une complète identité, fondée sur la liberté absolue. On connaît le régime de l’échelle mobile, dont le mécanisme ingénieux, mais trop théorique, règle actuellement le commerce des céréales entre la France et l’étranger : on produit ou du moins on veut ainsi produire à volonté, suivant le degré d’abondance de nos récoltes, une certaine constance dans l’état de nos marchés, au moyen de l’importation des céréales étrangères et de l’exportation des céréales indigènes, en faisant varier, selon les circonstances, les droits de douane qui déterminent ce double mouvement. Il ne pouvait être question, pour les combustibles minéraux, d’un mécanisme économique fondé sur un principe du même ordre ; néanmoins, comme on l’a vu, le régime douanier a été conçu dans un esprit favorable au producteur. On s’est efforcé de le protéger à l’aide d’une sorte d’échelle mobile, dont les degrés sont les facilités présumées d’arrivage des charbons étrangers sur les divers points de notre territoire. Bien que les zones aient été destinées, du moins on l’a toujours dit, à amener au plus bas prix possible ces charbons dans les régions qui ne peuvent s’en procurer de français, ce résultat n’a jamais été atteint. Par exemple, les habitans du littoral de l’Océan, qui est à peu près dépourvu de gîtes de combustible, ne peuvent souvent recevoir que de la houille anglaise, par suite du prix élevé auquel reviendrait la houille française en raison des frais de transport ; il est donc permis de dire que la taxe douanière est pour ces habitans une charge gratuite, et on comprend pourquoi ils n’ont jamais cessé de se plaindre.

Avant de montrer comment, nonobstant ce régime d’entraves, l’importation étrangère s’est progressivement accrue au point de fournir près des deux tiers de la consommation indigène, il convient de déblayer le terrain de ce qui concerne notre exportation, dont la valeur maximum n’atteint qu’un million de quintaux métriques[1]. Si on met à part les quantités de houille exportées en Algérie et en Belgique (par suite d’un petit mouvement de frontières) et les réexportations de charbons anglais, on voit qu’il n’y a d’exportation réelle que pour la Suisse, qui reçoit annuellement du bassin de la Loire 200,000 quintaux métriques de houille, pour la Sardaigne, qui en reçoit environ 100,000 de ce bassin et de celui des Bouches-du-Rhône, et pour quelques pays limitrophes. Notre exportation ne mérite évidemment pas qu’on s’y arrête plus longtemps.

  1. En 1811, la France exportait 300,000 quintaux métriques de houille, en 1820 264,555 quint. met., en 1830 60,117 q. m., en 1840 378,305 q. m., en 1850 415,500 q. m., et en 1856 994,956 q. m. On verra plus loin les quantités considérables qu’exportent, particulièrement en France, la Belgique et surtout l’Angleterre.