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LA
MONARCHIE DE LOUIS XV

I.
LA REGENCE ET LE REGENT.
Mémoires du duc de Saint-Simon. — II. Mémoires secrets de Duclos. — III. Mémoires militaires relatifs à la succession d’Espagne, etc.



Les régences d’Anne d’Autriche et de Philippe d’Orléans ont eu des fortunes historiques très différentes, malgré les similitudes qu’ont entre eux tous les gouvernemens nouveaux, faibles, contestés et forcément corrupteurs. La faveur publique s’est attachée à l’une autant qu’elle a manqué à l’autre, et les victoires de la première ont été mises dans un jour éclatant, pendant que les succès politiques laborieusement préparés par la seconde demeuraient étouffés sous le dégoût inspiré par l’accumulation de tous les scandales. C’est à travers les mœurs du temps qu’on a jugé l’œuvre des hommes, disposition qu’il ne faut pas regretter, puisqu’il est bon de faire payer aux personnages publics au prix de leur renommée la rançon de leurs vices, et qu’en pareil cas l’injustice même a sa moralité.

La cour d’Anne d’Autriche, malgré ses mille faiblesses, demeura comme enveloppée dans une atmosphère d’élégance et de bon goût, et c’est par la profession délicate des sentimens les plus élevés qu’elle s’est ménagé jusque dans notre temps la partialité de nobles esprits. La société dont l’avènement correspond à la vieillesse de Louis XIV, et dont le régent fut moins l’instituteur que l’expression, prit au contraire un triste plaisir à rompre avec les convenances aussi résolument qu’avec les principes, préférant à la jouissance de commettre le mal celle de s’en vanter. Elle en a été légitimement