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tendu un quatuor de Weber pour piano, violon, alto et violoncelle, morceau distingué, plein de brio et d’élégance, mais d’une inspiration un peu maigre. La partie du piano a été rendue avec beaucoup de précision et de netteté par M. Francis Planté, dont le talent est bien connu et fort apprécié. Puis on a exécuté le quatuor en sol, pour instrumens à cordes, de Beethoven, qui est d’une autre portée que celui de Weber, et l’on a fini par le quintette en mi bémol pour instrumens à cordes, de Mozart, c’est-à-dire une perfection. Au troisième concert, j’ai entendu le quatuor en mi mineur, faisant partie de l’opéra 57 de Beethoven, dont l’allegretto est une merveille de grâce et de badinage. Il est impossible d’entendre une exécution plus parfaite que celle de MM. Alard et Franchomme, qui méritent largement le succès croissant qu’ils obtiennent depuis onze ans.

La société fondée, il y a huit ans, par MM. Maurin et Chevillard, pour la vulgarisation des derniers quatuors de Beethoven, est toujours pleine de foi et d’activité. Dans la première séance qu’elle a donnée dans les salons de M. Pleyel, le l4x janvier, on a exécuté le quatuor en ut dièse mineur (opéra 131), dont le début est d’un débrouillement si pénible. L’ensemble même de cette composition laborieuse ne mérite pas toute la peine qu’on se donne pour la comprendre. On a fini par le dixième quatuor de Beethoven, celui en mi bémol qui est bien supérieur au précédent, et dont personne ne conteste les beautés supérieures et les effets de pizzicato si réellement nouveaux. À la seconde séance, on a exécuté d’abord le quatuor en si bémol de Beethoven, dont l’andante renferme une de ces idées pathétiques qui n’appartiennent qu’à ce grand génie. Le finale de ce quatuor, composé dans le mois de novembre 1826, est la dernière inspiration de Beethoven, car il est mort six mois après, le 26 mars 1827. Ce morceau a été rendu par les artistes avec un sentiment parfait. Après la sonate pour piano (opéra 111 de Beethoven), une merveille de facture que M. Ritter a exécutée avec une énergie contenue vraiment admirable, on a fini par le quatuor en ut de Beethoven, qui renferme un si bel andante et la fugue finale. Les quatre autres séances n’ont pas été moins intéressantes que les deux premières, et font un grand honneur à la persévérance et au talent de MM. Maurin et Chevillard, à qui les admirateurs de Beethoven doivent une vive reconnaissance.

Mendelssohn, qui n’est pas un aussi grand dieu que Beethoven, Haydn et Mozart, quoi qu’en disent MM. les critiques de Leipzig et de Berlin, a trouvé à Paris quelques adorateurs zélés qui ont fondé une petite chapelle en son honneur. Elle est desservie par MM. Armingaud et Léon Jacquart, deux artistes de mérite, par M. Lubeck, un pianiste vigoureux, dont l’ardeur a quelquefois besoin d’être contenue. Ils ont donné six séances dans la salle de M. Pleyel, qui ont été encore plus suivies que celles des années précédentes. À la seconde soirée, j’ai particulièrement remarqué l’exécution du trente-cinquième quatuor de Haydn, dont l’adagio, morceau d’un sentiment exquis, a été très bien rendu par M. Armingaud, jouant la partie de premier violon. Le public a désiré que ce petit chef-d’œuvre fût redit, et il a été obéi. La troisième séance a eu cela de particulier qu’elle a été ouverte par un quintette de Robert Schumann, pour piano, deux violons, alto et violoncelle. Ce compositeur de la dernière heure, qui est mort il y a un an dans une maison d’aliénés, était un esprit vif et distingué, qu’une fraction du public